Un train de retard pour l’écologie politique

Timothée PANTEL

Le spectre de l’écologie plane sur le débat public

En cette période d’agitation politique semi-permanente, accentuée et canalisée par la campagne présidentielle que nous sommes en train de vivre, il est intéressant de voir comment les questions écologiques sont devenues des objets de discours indispensables des discours politiques et médiatiques.

Que ce soit pour en dire du bien ou du mal, il est impossible de ne pas parler d’écologie aujourd’hui. Les bouleversements qui nous menacent sont un éléphant trop gros dans une pièce trop petite.

Ces questions ne sont plus aujourd’hui le seul apanage des partis écologistes, c’est une notion essentielle autour de laquelle les discours et programmes des candidat.e.s s’articulent et se structurent, à gauche comme à droite.

Si le signe le plus évident de la montée en puissance de cette notion dans le champ légitime de la politique (celui des partis et des élections républicaines) est la percée relative du parti Europe Écologie les Verts aux dernières élections européennes et municipales et dans les sondages d’opinion (Yannick Jadot est aujourd’hui crédité de 6 à 7% d’intention de vote), on ne peut s’empêcher de ressentir un certain décalage entre les prises de positions du parti et les espoirs, souvent plus radicaux, qui l’investissent.

Il est impossible de ne pas parler d’écologie aujourd’hui

Yannick Jadot Candidat : un symbole politique

La victoire de Yannick Jadot lors des primaires des Verts a confirmé l’orientation profondément libérale du parti et son envie de gouvernance pour la prochaine période. Celui qui défendait « le capitalisme européen et le modèle social européen, qui ne sont pas les modèles chinois ou américain » devant le MEDEF en Août 2020 n’est pas tout à fait ce que l’on pourrait appeler un écologiste radical. Et plus généralement, siLes Verts veulent combattre  le réchauffement climatique, les pollutions et exploitations de toutes sortes, ils sont généralement assez timides lorsqu’il s’agit d’aborder les conséquences économiques de leur beau projet.

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas ici de traiter le programme des verts en le renvoyant à sa soi-disant infaisabilité dans la conjoncture actuelle, autrement dit notre économie capitaliste mondialisée. Il faut plutôt interroger cette conjoncture à la lecture de la posture réformiste des Verts. Toutes choses égales par ailleurs, les efforts d’un hypothétique gouvernement fondé par Jadot seraient instantanément confronté à la résistance organisée de l’ensemble des industriels français, les traités européens (et français) sur le libre-échange dans la cartouchière pour défendre les intérêts qu’un programme écologiste mettrait en danger.

Comment envisager des changements profonds dans notre façon de produire (condition sine qua none à une réduction significative de nos émissions) sans revenir sur les fondements de notre système de production ? Comment garantir plus que des mesures symboliques après l’arrivée des Verts au pouvoir ? Et comment enfin remettre en cause les fondements de notre système économique sans fâcher ceux qui en profite le plus ?

Politiser l’écologie

L’écologie est un sujet éminemment politique et économique. L’organisation de notre rapport à nos ressources et à notre environnement est la question qui sous-tend toutes les autres questions politiques. Comment expliquer alors la pauvreté critique sur le plan de l’économie de l’ensemble des acteurs de l’écologie de parti ?

A quel modèle économique peut correspondre une transition écologique « qui ne se fera pas contre les entreprises mais avec elles » selon Yannick Jadot ? Au capitalisme. « Régulé» sans doute. Égale à lui-même, assurément.

L’écologie est un sujet éminemment politique et économique

Cette tension dans le mouvement écologique entre écologie lisse et écologie politique ne date pas de cette campagne. En 1994, Antoine Waechter, alors membre éminent du parti, quitte Europe Ecologie les Verts pour fonder le Mouvement Écologique Indépendant, affirmant par ce geste l’importance pour lui de s’affirmer comme d’aucun camps de la politique classique et certainement pas de celui de Dominique Voynet qui dirige à l’époque son ancien parti vers un chemin plus « gauchisant ». Le réflexe conservateur de l’écologie sans clivage n’est pas né de la dernière pluie.

Cette tension dans le mouvement écologique entre écologie lisse et écologie politique ne date pas de cette campagne

Collapsologie politique ou politique qui s’effondre ?

Et il ne se limite pas à la sphère partisane. Que penser des déclarations d’Aurélien Barrau, astrophysicien prônant la Collapsologie (l’étude et la préparation aux effondrements climatiques et sociétaux à venir) qui appelait à «Penser en matière de ‘’ pouvoir de vie ‘’ plus que de ‘’pouvoir d’achat’’ ». Si elle s’accompagne d’une proposition de baisser le temps de travail pour tous, cette citation fait surtout la démonstration d’un certain manque de radicalité et surtout d’application concrète, de solutions politiques, malgré le fait que son auteur n’ait pas à mesurer ses propos pour atteindre des objectifs électoraux.

A une époque où la société toute entière rend nécessaire une transition rapide et efficace vers un système soutenable pour notre environnement et où les masses s’emparent de ces sujets, leur donnant instinctivement une portée politique et sociale (récemment avec les « Fridays for Future » par exemple, qui ont explosé en parallèle du mouvement des gilets jaunes et dont les slogans interrogeaient les liens entre dommages écologiques et surproduction) il est regrettable et même inquiétant de constater que les défenseurs les plus officiels de ces problématiques semblent avoir un train de retard. Fut-il électrique.