Un pouvoir d’achat en hausse mais toujours la principale préoccupation des français.es

Siramoussa KALOGA

Selon l’étude européenne Purchasing Power Europe 2021 de GFK1, le pouvoir d’achat des Français.es a augmenté de 6,48 % en un an, passant de 19 404 euros en 2020 à 20 662 euros en 2021. Bien que les chiffres reflètent une nette amélioration du train de vie en moyenne, la question du pouvoir d’achat reste la principale préoccupation des Français.es, et ce depuis de nombreuses années. 

Une augmentation à échelle nationale mais des écarts importants entre agglomérations 

Selon le sondage Elabe du 20 octobre 2021 pour BFMTV, 45 % des personnes interrogées placent le thème du pouvoir d’achat en priorité pour les élections à venir, devant la sécurité et l’immigration. Comment expliquer que le sujet soit aussi central malgré une évolution du pouvoir d’achat ? D’une part, les privations de déplacement et de consommation dues à la crise sanitaire mondiale ont placé le sujet au cœur du débat public. D’autre part, l’évolution positive du pouvoir d’achat ne concerne qu’une moyenne, impliquant des écarts entre agglomérations2. Par exemple, Paris et Boulogne-Billancourt se distinguent des autres villes françaises avec un pouvoir d’achat individuel de 34 536 euros et 33 525 euros, ce qui représente deux tiers de plus que la moyenne nationale. À l’opposé, la ville de Saint-Denis (93) occupe la dernière place du classement avec un pouvoir d’achat moyen de 14 086 euros par habitant, soit un tiers de revenus net en moins que la moyenne nationale. Ces écarts conséquents illustrent l’existence de zones riches et pauvres : le pouvoir d’achat des dyonisiens.nes a baissé de 184 euros par an depuis 2019, alors que celui des parisiens.nes et des boulonnais.ses a respectivement augmenté de 3 700 euros et 2 000 euros. Cet écart explique le ressenti négatif des Français.ses, à l’opposé des chiffres en hausse. 

Un pouvoir d’achat en hausse au niveau national mais qui n’est pas ressenti positivement par TOUS les français 

Une mesure et une méthode non représentative de la réalité des Français.ses ? 

En outre, la mesure même du pouvoir d’achat peut être critiquée, notamment les méthodes de calcul de l’évolution des prix. Ainsi l’INSEE3 se réfère à l’indice de la dépense de consommation des ménages4 qui diffère de l’indice des prix à la consommation5. Des milliers de services et de produits essentiels passeraient à la trappe pour observer l’évolution de leur prix. « Le problème c’est la sous-évaluation de l’inflation », indique Philippe Herlin auteur de Pouvoir d’achat, le grand mensonge (Eyrolles, 2018) : « cela permet de dégager du pouvoir d’achat ». Selon l’économiste, cette méthode explique la hausse du pouvoir d’achat… mais elle n’est pas représentative de la réalité dans laquelle vivent les Français.ses. Il avance que, si « les biens durables tirent les prix vers le bas », ils ne font pas partie de ceux qu’on achète au quotidien. En effet, le prix des meubles ou de l’électroménager ont tendance à baisser davantage que celui des biens d’achats fréquents comme le pain ou les boissons. Il ajoute que « le grand absent de l’indice des prix est l’acquisition d’immobilier » qui fausserait également les calculs. 

Les nouvelles mesures gouvernementales du quinquennat : « Emmanuel Macron, Président des riches » ? 

Une étude publiée en novembre 2021 par l’Institut des Politiques Publiques (IPP), qui s’est penchée sur l’impact redistributif de toutes les réformes du quinquennat, montre que les mesures prises sous le mandat d’Emmanuel

Macron concernant le pouvoir d’achat ont davantage bénéficiées aux plus riches, tandis que le niveau de vie des plus pauvres a, lui, diminué. L’étude démontre que les 1 % des plus riches ont bénéficié de 2,8 % de gains moyen sur l’ensemble de leurs revenus (et ce, après impôts). Plus encore, pour les 0,1 % les plus aisé.es du pays, il s’agit d’une augmentation de 4,1 %, là où les ménages les plus pauvres ont perdu 0,5 % de pouvoir d’achat en moyenne. Ce qui explique l’étiquette « Emmanuel Macron, Président des riches » souvent collé à celui qui gouverne actuellement la France. En effet, la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) a entraîné une baisse de recette de l’État de plus de 3 milliards d’euros. La mise en place du Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) sur les revenus du capital, aussi appelé « flax tax », elle, a réduit la taxe de 60 à 30 % : un allègement conséquent sur la feuille d’imposition de certains.nes Français.ses. C’est pourquoi ces réformes du quinquennat actuel sont vues comme étant spécifiquement en faveur des plus aisé.es du pays. 

Bien que le pouvoir d’achat ait globalement augmenté en France, les 5 % des foyers les plus modestes ressentent les disparités. Chloé Lallemand, économiste à l’IPP, précise que ces ménages ont « nettement pâti de la hausse de la fiscalité sur l’énergie [qui fait grand débat actuellement] et le tabac, qui pèsent davantage en proportion de leur revenu ». En globalité le pouvoir d’achat est effectivement en hausse, et devrait continuer de grimper cette année grâce aux nouvelles mesures d’urgence qui ont été prises telles que le « chèque énergie » ou encore « l’indemnité inflation ». À la différence des modifications qui profitent aux plus aisé.es, ces aides ponctuelles censées soulager le porte-monnaie des Français.ses les plus modestes sont des mesures de court terme et moins impactantes que celles touchant les plus fortuné.es. Ces derniers.ères voient leurs taxes considérablement allégées, ce qui leur permet de faire plus d’économies… et ce chaque année. 

Notes :
1 L’étude indique des niveaux de pouvoir d’achat en euros et en indice par personne, par an. Le pouvoir d’achat GfK est basé sur le revenu disponible nominal de la population, ce qui signifie que les valeurs ne sont pas ajustées en fonction de l’inflation. Les calculs sont effectués sur la base des revenus et gains déclarés, des statistiques sur les aides gouvernementales ainsi que des prévisions économiques fournies par les institutions économiques.
2 toujours selon l’étude européenne Purchasing Power Europe 2021 de GfK
3 INSEE : Institut National de la Statistique et des Études Économiques
4 Indice de la dépense de consommation [finale] des ménages : il comprend les dépenses effectivement réalisées par les ménages résidents pour acquérir des biens et des services destinés à la satisfaction de leurs besoins. (source INSEE) 
page3image25585024.png