Qatar : criminalisation et exclusion de la communauté LGBTQIA+

Interdiction faite à la Belgique de porter son deuxième maillot de football lors des matchs, car celui- ci comporte le mot « love » à l’intérieur de son col, ou encore menaces de sanction en cas de port du brassard “one love” en soutien à la cause LGBTQIA+… La coupe du monde au Qatar s’est déroulée sous le signe de la censure et de la non-liberté d’expression.

Cette coupe du monde de football de 2022 au Qatar a été entourée de controverse en raison de la situation des droits des personnes LGBTQIA+ dans le pays. Le Qatar est un pays où l’homosexualité est illégale et les personnes LGBTQIA+ peuvent faire face à des peines allant jusqu’à la prison à vie. Les organisations de défense des droits ont exprimé leur préoccupation quant à la sécurité et à la protection des personnes de la communauté pendant la Coupe du monde, notamment en ce qui concerne l’accueil des supporters et des joueurs. Certains ont appelé à un boycott de la coupe du monde en raison de ces préoccupations, tandis que d’autres ont plaidé pour une utilisation de la coupe pour améliorer la situation au Qatar. Les autorités qatariennes ont répondu en assurant qu’elles prendraient des mesures pour garantir la sécurité des supporters et des joueurs LGBTQIA+ pendant l’événement, mais les organisations de défense des droits continuent de surveiller la situation de près.

L’homosexualité « contre nature »

« Il est interdit de faire des choses « contre nature ». Et ils – la police et une partie de la société – ont interprété que c’était contre nature d’être gay », témoigne A.R, une libanaise vivant à Paris. Dans plusieurs pays du Moyen-Orient, l’homosexualité est illégale et les personnes LGBTQIA+ risquent des pein es allant de la prison à l’éxecution. Les discriminations et les violences à l’égard de ces personnes sont fréquentes et les groupes de défense de leurs droits sont souvent réprimés.

Au Qatar, des campagnes d’invisibilisation sont menées, notamment à travers une interdiction surprenante. En effet, les jouets pour enfants aux couleurs de l’arc-en-ciel ont été saisis, portant des slogans contraires aux valeurs islamiques comme l’a annoncé le ministère du Commerce et de l’Industrie sur Twitter : « le Ministère a mené des campagnes d’inspection sur un certain nombre de magasins commerciaux dans différentes régions du pays, et les campagnes ont abouti à la saisie et à la libération d’un certain nombre de violations, représentées par des jouets pour enfants portant des slogans qui violent les valeurs islamiques, les coutumes et traditions ».

Il y a également une forte stigmatisation sociale de l’homosexualité et de l’identité transgenre dans la plupart des pays du Moyen- Orient, ce qui rend difficile pour les personnes LGBTQIA+ de vivre ouvertement leur orientation de genre et de bénéficier des mêmes opportunités que les personnes cis-genres.

Une lente amélioration

D’après un témoignage recueilli par Human Rights Watch, une femme transgenre qatarie a déclaré qu’après avoir été arrêtée par les forces de sécurité dans la rue à Doha, les agents de la Sécurité préventive l’avaient accusée d’« imiter les femmes » en raison de son expression de genre. Dans la voiture de police, ils l’ont battue jusqu’à ce que ses lèvres et son nez saignent et lui ont donné des coups de pied dans le ventre, a-t-elle raconté. « Vous, les gays, êtes des gens immoraux, donc on fait la même chose avec vous », lui a lancé un agent.

Une autre qatarie transgenre a relaté avoir été incarcérée deux fois dans une cellule souterraine. Elle raconte avoir été battue quotidiennement et son crâne a été rasé. Les autorités ont également pris des photos de sa poitrine après lui avoir demandé de retirer sa chemise. Les détenus ont été contraints de déverrouiller leur téléphone, ce qui a donné aux forces de l’ordre l’accès aux informations sur les membres de leur communauté, mais aucun n’a été formellement inculpé, selon Human Rights Watch.

Malgré ces injustices, il y a également des efforts pour améliorer la situation des droits LGBTQIA+ dans la région. Des groupes de défense des droits et des organisations de la société civile travaillent pour sensibiliser les gens à ces questions et pour plaider pour des changements législatifs et sociaux. Des  « comédiens, des politiciens et des défenseurs qui ont commencé à en parler. Ce n’est plus aussi tabou qu’avant, mais c’est mieux ». Il y a aussi des signes d’une plus grande acceptation de la diversité sexuelle et de l’identité de genre dans certaines parties du Moyen-Orient. Cependant, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir au Qatar pour garantir l’égalité et la sécurité pour toute la communauté LGBTQIA+.

Criminalisation

La criminalisation des pratiques homosexuelles au Qatar est un problème majeur qui affecte de manière significative les personnes LGBTQIA+ dans la région. Les lois réprimant l’homosexualité au Moyen-Orient varient d’un pays à l’autre, mais elles sont généralement basées sur des textes religieux ou sur des lois héritées de la période coloniale. Rappelons qu’au Qatar, l’homosexualité reste illégale, la Constitution se fondant sur la loi islamique : ainsi, l’article 285 du code pénal qatari condamne les relations sexuelles entre personnes de même sexe à une peine pouvant aller jusqu’à 7 ans de prison.

Human Rights Watch a interviewé six qataris, comprenant quatre femmes transgenres, une femme bisexuelle et un homme gay. Le Dr Nasser Mohamed, un activiste Qatari gay, a aidé Human Rights Watch à entrer en contact avec cinq des personnes interrogées. Ils ont tous déclaré avoir été détenus par les agents du Département de la sécurité préventive dans une prison souterraine à Al Dafneh, à Doha, où ils ont été victimes de harcèlement verbal et de violence physique allant de gifles à des coups de pied et de poing, certains jusqu’à perdre connaissance.

Les agents de sécurité ont également infligé des violences verbales aux détenus, leur ont extorqué des aveux sous la contrainte et leur ont refusé l’accès à un avocat, à leur famille et à des soins médicaux. Tous ces individus ont été obligés de signer des déclarations s’engageant à « cesser toute activité immorale ». Tous ont été détenus sans inculpation, sans accès à un avocat et dans un cas, pendant deux mois, en isolement. Aucun ne recevant de procès-verbal pour leur détention. De tels agissements peuvent être considérés comme des détentions arbitraires en violation du droit international des droits de l’homme. « Des choses qui pourraient être normales ici, comme se tenir la main, s’embrasser, et aller dans des bars ou des fêtes ouvertement gays, ne sont pas quelque chose que nous pouvons faire librement là-bas. Il existe des lieux désignés (bars, clubs) destinés aux foules LGBTQ, mais ils ne sont pas « ouvertement » identifiés comme tels. Si vous faites partie de la communauté, vous savez où aller. Cependant, même dans ces endroits, il faut être prudent », comme l’explique A.R.

Malgré les efforts de certaines organisations pour améliorer la situation des personnes LGBTQIA+ au Qatar, il reste encore beaucoup à faire pour garantir leur égalité et leur protection contre la discrimination. La criminalisation de l’homosexualité et de l’expression de genre non conforme sont des obstacles majeurs à la reconnaissance de leurs droits fondamentaux. Les récits de personnes transgenres et homosexuelles témoignent des conséquences dévastatrices de ces lois oppressives sur leur vie personnelle et professionnelle. Il est important de continuer à sensibiliser l’opinion publique sur ces questions et de soutenir les personnes affectées afin de faire avancer les droits des personnes LGBTQIA+ au Qatar.