L’État français et le Covid-19: bas les masques

Ce jeudi 15 octobre, les domiciles et bureaux de plusieurs ministres, ex-ministres ou hauts fonctionnaires -qui ont été ou sont en charge de la gestion de la crise du coronavirus – ont été perquisitionnés. Les perquisitions concernent Édouard Philippe, ancien Premier ministre, aujourd’hui maire du Havre; Agnès Buzyn, ex-ministre de la Santé et son remplaçant Olivier Véran; l’ancienne porte-parole du gouvernement Sibeth N’Diaye; Jérôme Salomon, directeur de la Santé et Geneviève Chêne, directrice générale de Santé publique France.

En effet, une enquête de la Cour de justice de la République est en cours pour déterminer si l’État a failli dans sa mission lors de la crise sanitaire. Elle fait suite à l’ouverture d’une information judiciaire ouverte le 7juillet dernier contre le gouvernement pour «abstention de combattre un sinistre». Plus de 90 plaintes ont été déposées contre des membres du gouvernement de la part d’associations de victimes du Covid-19 ou de médecins, mais seules neuf ont été jugées recevables. Passés d’inutiles à obligatoires, les masques font l’objet d’une attention particulière: les multiples déclarations contradictoires des différents membres du gouvernement sont au cœur de la commission d’enquête. Retour en dix citations sur une communication de crise démasquée.

«Quand on met des masques […] ça limite le risque infectieux.»

Le 22 janvier 2020, interrogé par BFMTV, le Pr Jérôme Salomon rappelle les gestes barrières, dont le port du masque fait partie. Deux jours plus tard, alors que trois personnes atteintes du coronavirus sont hospitalisées en France, le Ministère de la Santé tweete pour conseiller de porter un masque pour aller travailler.

«Nous avons des dizaines de millions de masques en stock en cas d’épidémie.»

Le 26 janvier, Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé se veut rassurante: «Ce sont des choses qui sontd’ores et déjà programmées. Si un jour nous devions proposer à telle ou telle population ou personnes à risque de porter des masques, les autorités sanitaires distribueraient ces masques aux personnes qui en auront besoin.»

«Le port du masque par la population non-malade […] n’est pas recommandé car son efficacité n’est pas démontrée.»

Le 24 février, le nouveau ministre de la Santé Olivier Véran indique que le port du masque est recommandé uniquement pour les personnes ayant séjourné dans les zones à risques – la Chine, Singapour, l’Iran, la Corée du Sud, la Lombardie et la Vénétie. Le 29 février, au point de presse du conseil des ministres, il rappelle que personne n’a besoin de porter un masque si un médecin ne demande pas d’en porter un.

«Les masques n’ont aucun intérêt pour le grand public»

Le 4 mars, Jérôme Salomon rassure à nouveau sur BFM TV: «Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’organisation mondiale de la santé, ce sont les autorités américaines, ce sont les articles publiés récemment et c’estsurtout la société française d’hygiène hospitalière qui le confirme».

«Il n’y a pas de pénurie de masques.»

Le 10 mars, le ministre de la santé Olivier Véran affirme une nouvelle fois: «Nous avons été le seul pays au monde à avoir fait une réquisition complète de tous les stocks de masques, de tous les sites de production de masques, et nous sommes capables d’avoir une gestion et un pilotage par l’État de tous ces masques dans la durée». Mais une semaine plus tard, il nuance son propos: «Nous avons assez de masques aujourd’hui pour permettre aux soignants d’être armés face à la maladie et de soigner les malades. Mais en fonction de la durée de l’épidémie, nous ne savons pas si nous en aurons suffisamment à terme». Deux jours plus tard, il reconnaît finalement un manque d’anticipation: « Nous étions un pays, hélas, qui n’était pas préparé du point de vue des masques et des équipements de protection à une crise sanitaire».

«Non, les Français ne pourront pas acheter de masque dans les pharmacies, car ce n’est pas nécessaire si l’on n’est pas malade.»

À l’issue du Conseil des ministres du 17 mars, la porte-parole du gouvernement Sibeth N’Diaye rappelle que les masques sont à usage strict des soignants et des patients. Le 18 mars, Jérôme Salomon accuse les personnes non malades qui portent quand même un masque: «c’est une denrée rare, une ressource précieuse pour les patients», et ajoutant que le masque est «totalement inutile pour toute personne non contaminée».

«Nous étions un pays, hélas, qui n’était pas préparé […] à une crise sanitaire.»

Le 19 mars, Olivier Véran fait état à l’Assemblée nationale d’un stock de 150 millions de masques chirurgicaux mais d’aucun masque FFP2. Il reconnaît alors un manque d’anticipation: «Nous étions un pays, hélas, qui n’était pas préparé du point de vue des masques et des équipements de protection à une crise sanitaire».

«Vous savez quoi? Je ne sais pas utiliser un masque.»

Le 20 mars, interviewée par RMC, Sibeth N’Diaye réaffirme l’inutilité des masques: « Je pourrais dire: Je suis une ministre, je me mets un masque, mais en fait, je ne sais pas l’utiliser […] Les masques ne sont pas nécessaires pour tout le monde […] Parce que l’utilisation d’un masque, ce sont des gestes techniques précis, sinon on se gratte le nez sous le masque, on a du virus sur les mains; sinon on en a une utilisation qui n’est pas bonne, et ça peut même être contre-productif.»

«Le port du masque n’est pas l’alpha et l’oméga de la protection.»

Le 22 mars, interrogé sur le plateau du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro, Olivier Véran reconnaît à nouveau que les stocks de masque FFP2 sont vides. Il annonce une commande de 250 millions de masques, mais considère que «si vous voulez vraiment vous protéger et protéger les autres, c’est le lavage des mains, c’est le gel hydroalcoolique, c’est la distanciation sociale […] Si vous êtes à plus d’un mètre d’une personne, vous êtes beaucoup plus protégé, qu’à moins d’un mètre avec un masque».

«Pas de preuve que le port du masque dans la population apporterait un bénéfice.»

Le 1er avril,Édouard Philippe considère même que «Ce serait même plutôt le contraire, à cause d’une mauvaise utilisation.» Le 11 mai, les français sont déconfinés, toujours sans obligation de porter le masque. Mais à peine plus de deux mois plus tard, le gouvernement revient sur ses déclarations ultérieures: Édouard Philippe annonce le port obligatoire du masque dans les lieux publics clos à partir du 20 juillet.

Article rédigé par Justine Vaillant.