Les Antilles face à la métropole : une différence notable de vaccination

Camille NOGUÈS

Alors que la couverture vaccinale n’a jamais été aussi haute en métropole, elle peine à avoir autant de succès dans les territoires d’outre-mer, en particulier en Martinique et en Guadeloupe où le taux de vaccination est le plus bas avec respectivement 39,4% et 36,39% de la population vaccinée.

Un problème logistique

Des difficultés d’ordre logistique pourraient expliquer cette différence. Du fait de leur taille et de leur emplacement, les territoires d’outre-mer pâtissent d’un manque de moyens et de personnel. En Guyane, par exemple, certaines zones ne sont accessibles qu’après deux jours de pirogues : installer des centres de vaccination apparaît complexe. En outre, les vaccins à ARN messager demandent un respect de la chaîne du froid ce qui a pu poser un problème pour acheminer les doses de vaccin dans ces territoires. Enfin, la population ultramarine est plus jeune qu’en métropole, retardant, de fait, la mise en place de la vaccination.

Un enjeu culturel

Pour d’autres, la logistique n’explique pas tout. Les raisons de la faible couverture vaccinale sont aussi culturelles et religieuses. Une grande partie de la population est encore très attachée à la médecine traditionnelle et regarde la médecine conventionnelle d’un oeil suspicieux. La pharmacopée traditionnelle est souvent privilégiée : de nombreuses pharmacies proposent notamment l’herbe à pic, une plante utilisée depuis des siècles en Martinique et en Guadeloupe et qui aurait des propriétés pour soigner le Covid. Pour beaucoup, les mesures ne sont pas adaptées aux particularités culturelles et religieuses des populations locales qui ne se sentent ni comprises, ni représentées par les stratégies vaccinales.

Une histoire politique empreinte d’un scandale

L’histoire esclavagiste a laissé des traces et la population des Antilles garde une méfiance envers ce qui provient de la métropole. À cela s’ajoute le scandale du chlordécone, un pesticide classé cancérigène qui a été autorisé en Martinique et en Guadeloupe. Utilisé dans les bananeraies entre 1972 et 1993, il est à l’origine d’une large contamination des sols et des eaux, occasionnant de graves problèmes de santé.

La rapidité et la précipitation du gouvernement dans la mise en place de la stratégie vaccinale ont semé le doute dans l’esprit des Guadeloupéens et des Martiniquais. Le gouvernement a pourtant durci les mesures, mais cela n’a pas motivé la majorité à se faire vacciner. En effet, on constate que cela a plutôt eu l’effet inverse, poussant les antillais à se rebeller et à manifester contre les nouvelles mesures sanitaires. On retrouve un mal-être plus profond de la population se sentant souvent exclue face aux décisions émanant de la métropole. La vaccination n’apparaît alors que comme le trop plein d’une population déjà au bord de la rupture.