Le Bear-market des cryptomonnaies entraîne les NFT dans sa chute

Après une année 2021 qui cumule les records, 2022 enchaîne les échecs. Le cours des cryptomonnaies est frappé de plein fouet par une crise du marché traversant un « Bear- market », soit un marché baissier dans le jargon boursier, et tous les secteurs qui gravitent autour en ont subi les conséquences, notamment les jetons non fongibles, plus communément appelés les NFT.

En 2022, il y a aussi eu du bon pour le monde des crypto-actifs tels que des avancées technologiques et des projets législatifs avantageux pour les entreprises et les particuliers du milieu. Cependant, le positif a rapidement été balayé par « l’hiver crypto »comme le qualifie Romain Gouloumes, journaliste, chef de service du journal 20 Minutes et co-créateur du magazine 20 Mint dédié à la vulgarisation du WEB.3 .

“Bear-market” ?

Fin 2021, la plupart des cours de crypto- monnaies se portent pour le mieux. Le bitcoin vaut plus de 42 000 euros et l’ether tourne autour des 3 000 euros. Mais après une année exceptionnelle, le marché de la monnaie virtuelle connaît fin 2022 une chute, lente puis vertigineuse, et perd 63 % de sa valeur. Le marché qui était valorisé à 2,5 trilliards de

dollars au premier trimestre 2022 en vaut moins de 1 trilliard à la fin de l’année, selon des données de Bloomberg. C’est tout le secteur qui est en crise, et c’est ce qu’on appelle un bear market.

La baisse des valeurs est aussi impressionnante qu’elle était prévisible, selon certains observateurs. Comme pour tous les marchés (classiques ou non) les bear markets ont tendance à arriver après des périodes de record comme en 2021, lorsque les banques centrales augmentent leurs taux directeurs (comme depuis le 9 juin 2022), ou lorsqu’il y a des périodes d’instabilité mondiale qui peuvent être dues, entre autres, à des épidémies telles que le Covid-19 ou à des conflits tels que la guerre en Ukraine. Tous ces éléments ont contribué à l’impressionnante et constante érosion des prix en 2022.

Pour ne rien faciliter, le secteur qui subit déjà une importante crise de confiance doit faire face à de nombreux scandales suivis de faillites. C’est le cas pour l’affaire SBF (Sam Bankam-Fried) et sa plateforme d’échange et d’achat de crypto-monnaies. Créée en 2018 par Sam Bankman-Fried, la plateforme s’est spécialisée dans les dérivés (des placements pour spéculer sur la valeur d’un actif) et les autres produits financiers risqués. Malgré la complexité des produits et des options proposées, la plateforme a vite attiré de nombreux utilisateurs, qu’ils soient spécialistes du trading ou débutants. Le succès est tel qu’en septembre 2022, la plateforme comptait 1,2 million d’utilisateurs et était valorisée à 32 milliards de dollars. Mais en novembre, c’est la banqueroute pour FTX. La plateforme d’échange crypto, la deuxième plus importante au monde, a déclaré faillite à la suite de la découverte de la mauvaise gestion des fonds par son PDG, Sam Bankman-Fried. FTX est passé, en quelques jours, d’une valorisation de 32 milliards de dollars à presque rien, laissant un grand nombre de clients sur la paille et assénant le coup fatal à l’écosystème de la cryptographie pour cette fin d’année 2022.

Les NFT dans la tourmente

L’impact de cette crise crypto sur le marché des jetons non fongibles est inévitable. Le NFT est perçu comme l’une des technologies émergentes et innovantes du début de la décennie mais le marché des jetons non fongibles a pâti de la crise des crypto- monnaies. Inévitablement, les investisseurs se retrouvent avec des NFTs d’une valeur fortement réduite. Au troisième trimestre 2022, le volume d’échanges des NFT a connu une baisse de 77% par rapport au deuxième trimestre, passant de 7,3 à 1,67 milliard de dollars, selon le site spécialisé NonFungible. Pourtant, le nombre de transactions n’a que légèrement diminué avec une baisse de 5%, passant de 11,46 millions à 10,9 millions de ventes. Ce qui montre qu’en définitive, c’est la valeur moyenne des NFTs qui s’est effondrée et non l’offre et la demande.

Romain Gouloumes explique : “cette crise a impacté la pagination du second numéro du magazine. L’affaire SBF avec FTX et le scandale qui en a découlé, a bousculé toutes les pages qui étaient prévues sur le sujet du Bear-market*.” Selon lui, “la crise des cryptomonnaies a énormément freiné le marché des NFTs, c’est indéniable”. Pour Devin Finzer, directeur général d’OpenSea, le leader des places de marché NFT, cette crise est inédite : « les NFTs ne peuvent pas exister sans un écosystème qui les anime et autour duquel ils gravitent. Le macroclimat qui existait autour d’eux a radicalement changé, ce qui a affecté la manière dont les investisseurs et les créateurs se comportent “ (Devin Fincher au Financial Times).

Les NFTs sont nés sur la blockchain Ethereum et peuvent être achetés et échangés comme n’importe quelle autre crypto-monnaie basée sur cette blockchain. Mais les transactions de NFT ont lieu sur diverses plateformes d’échange, ou plutôt sur une extension de navigateur de type Metamask, comme OpenSea. Tout cela constitue le macroclimat auquel Devin Fincher fait référence. Actuellement, pour se procurer un NFT, il faut payer en crypto-monnaie, le plus couramment en ETH (cryptomonnaie de la blockchain Ethereum). Le “bear-market” s’appliquant aussi à l’ETH, le secteur des NFTs en pâtit au même titre que les crypto-monnaies.

Se diversifier pour remonter la pente

Romain Gouloumes perçoit des avantages à cette crise soudaine, qu’il explique ainsi : “Le point positif que j’y vois, c’est que cette crise permet de nettoyer d’une certaine façon l’offre des NFTs. Il y avait beaucoup de projets NFTs opportunistes, c’était des boîtes à fric clairement, il pouvait être qualifiés de “rub” ou d’arnaque. Aujourd’hui, le marché est beaucoup plus propre, ses fondamentaux et ses piliers ont été revus”. Il précise cependant que cet aspect positif n’est pas vu du même œil pour les investisseurs qui “ont perdu des milliers, voire des dizaines de milliers d’euros à cause de l’hiver crypto, je ne peux malheureusement pas dire que c’est un mal pour un bien pour ces personnes là.”

En effet, les créateurs de NFT qui proposent leurs productions sur les places de marché NFT tel que OpenSea et les investisseurs qui échangent des NFTs sont fortement atteints par la baisse de valeur du marché. Malgré les pertes subies, ils ne restent pas abattus et n’hésitent pas à investir ou à diversifier leurs canaux de business en entrant sur des marchés en meilleure forme, comme le divertissement qui comprend les jeux vidéo, la musique, le sport, le cinéma, les beaux-arts, la mode, le luxe, etc. Comme l’indique le Financial Times, c’est la voie empruntée par Doodles, une série de NFT à l’apparence juvénile qui a connu un certain succès dans le WEB.3. Son dirigeant a décidé de collaborer avec le chanteur Pharrell Williams pour réaliser des animations et des clips qui accompagneront les musiques de l’artiste. « Nous nous dirigeons vers un environnement économique qui devrait être un peu plus lent au cours des deux prochaines années, et ce qui nous permettra de rebondir c’est le divertissement », précise Julian Holguin, le directeur général de Doodles.

Le projet 20 Mint permet de rendre compte des possibilités offertes par les jetons non fongibles. Contrairement aux idées reçues du grand public, les NFTs ne se cantonnent pas à l’objet d’art ou à la spéculation. Pour Romain Gouloumes, “l’avantage majeur des NFTs est qu’ils permettent de créer des communautés, ces jetons sont nommés des “token gated communities” et peuvent être transmissibles”. C’est-à-dire que si quelqu’un souhaite passer son statut au sein d’une communauté créée autour d’une collection de NFT, il lui suffit d’échanger son jeton non fongible. Cet acte est possible grâce au haut niveau de paramétrage qu’offre un NFT puisqu’en définitive, c’est un certificat d’authentification ou de propriété. Il est donc possible d’inscrire une multitude de facteurs dans le “contrat” avant de le minter*.

Dans l’écosystème 20 Mint, “il n’y a vraiment pas de partie spéculative. Il n’y a pas de reward* monétaire avec les 999 NFT Typewriter. La volonté de ce projet est de créer un sésame d’entrée dans la communauté 2O Mint. Ses membres collaborent ensuite à la démocratisation du WEB.3 de la manière la plus simple, puissante et efficace possible.” déclare le journaliste en ajoutant que “les acquéreurs étaient vraiment là pour le projet, ils étaient prêts à mettre la main au protefeuille et à la patte, mais jamais dans l’idée de recevoir un retour sur investissement monétaire.”

On comprend donc que les NFTs permettent de renforcer les liens entre passionnés et d’affirmer son appartenance à une communauté. Que l’on soit fan de basket avec la plateforme NBA Top shot*, ou encore de vampires avec les NFTs de Sneaky Vampire Syndicate où les membres ne se rejoignent qu’en ligne dans un espace dédié et accessible aux seuls possesseurs de NFTs. Ils ont créé leur propre métavers. Autre exemple : en achetant et en affichant sur twitter une photo de profil Crypto punk ou Bored Ape Yacht Club comme Snoop Dog, Steve Aoki ou encore Adidas, ils signifient qu’ils font partie d’un groupe, qu’ils ont compris ce que sont les NFTs et qu’ils ont une réelle valeur pour eux, qu’elle soit émotionnelle, financière ou autre. Les musiciens et artistes s’en saisissent égale-ment pour proposer de nouvelles expériences de partage. L’artiste américain Snoop Dogg a ainsi invité ses fans à un concert sur The Sandbox* auquel ils pouvaient assister grâce à l’obtention d’un ticket NFT. Le rappeur français Booba s’était lui aussi lancé dans cette nouvelle forme d’interaction avec sa communauté de fans en 2022 : “Si tu es détenteur d’un NFT Booba TN ou GDC, tu pourras accéder gratuitement à ce live grâce au code d’accès unique à récupérer ci- dessous en te connectant avec ton wallet (portefeuille numérique)”.

Malgré la crise, les NFTs continuent de susciter de l’intérêt et de plus en plus de personnes et de sociétés issues de domaines très divers tels que la mode, la musique, les jeux vidéos ou encore la presse s’y intéressent. En 2023, les investisseurs et les créateurs devront continuer à chercher de nouveaux débouchés pour réussir à surmonter cette crise.