La grande muraille verte :
 une initiative ambitieuse

Annaël RENARD

Près de 15 ans après son lancement, le projet de la Grande Muraille Verte, initié par l’Union africaine, constitue une composante essentielle de l’agenda climatique. Hélas, ce programme de reforestation progresse lentement. Face à cette situation, les acteurs locaux et internationaux se mobilisent. 

Une initiative ambitieuse mais encore timide 

En novembre dernier, se tenait la 26e conférence annuelle en faveur du climat, un événement attendu, qui a permis de revenir sur un projet emblématique du continent africain en matière de développement durable : La Grande Muraille Verte. Lancée au début des années 2000 sous l’égide de l’Union africaine et de bailleurs de fonds tels que la Banque mondiale, l’initiative se veut répondre à une urgence : enrayer l’essor de la désertification au sein de l’espace Sahélien. 

En effet, en raison des taux de pluviométrie de plus en plus bas et des activités humaines qui nuisent au renouvellement des sols, la désertification progresse dangereusement, entraînant la multiplication d’événements adverses pour les populations. Parmi eux, la montée en puissance de la malnutrition, l’accroissement des flux migratoires ou encore l’émergence de conflits internes. Face à ce constat alarmant, 11 États africains se mobilisent depuis 2007 pour développer une myriade de projets en faveur du renouvellement des terres meurtries par la sécheresse. 

Le Niger, le Mali ou encore le Sénégal tentent d’étendre de part en part du continent, un rideau vert, allant de Dakar à Djibouti, soit une couverture herbacée et sylvicole de plus de 7500 km de long et de 15 km de large. 

« Un projet par les populations et pour les populations » 

Bien loin de répondre aux objectifs fixés initialement pour 2030 – soit la restauration de 100 millions d’hectares de terres dévorées par le désert et la création de 10 millions d’emplois verts – ce projet transcontinental n’est cependant pas laissé à l’abandon.
Hommes et femmes tentent aujourd’hui encore, de se mobiliser pour accélérer la reforestation des terres. 

En 2018, à l’occasion d’une conférence internationale portant sur l’Implication des Services publics de l’emploi dans le développement de l’emploi vert, Amadou Mamane Bako, directeur administratif et financier de la Grande Muraille Verte, affirme qu’il s’agit d’abord « d’un projet par les populations et pour les populations ». 

« Nous avons beaucoup appris de la Grande Muraille Verte, déclare un agriculteur nigérian. En premier lieu, à prendre soin de nos plantes traditionnelles, celles qui poussent spontanément. Ensuite […] à planter ces arbres fruitiers. Savoir comment et quand les planter, comment s’en occuper afin qu’ils grandissent et nous ramènent la richesse du sol. » 

« Pour avoir des zones de reboisement durables, il faut s’appuyer sur la participation des populations, aller les rencontrer, leur dire que nous voulons protéger l’environnement pour qu’ils en profitent durablement. » indique Haïdar El Ali, figure majeure de l’écologie au Sénégal. 

Grâce aux projets mis en place, certaines régions largement affectées par les méfaits de la désertification ont vu renaître l’espoir. C’est notamment le cas à Kadandani, une commune située au Nord du Nigeria où les habitants ont pu développer leur propre pépinière : « Nous avons beaucoup appris de la Grande Muraille Verte, déclare un agriculteur nigérian. En premier lieu, à prendre soin de nos plantes traditionnelles, celles qui poussent spontanément. Ensuite […] à planter ces arbres fruitiers. Savoir comment et quand les planter, comment s’en occuper afin qu’ils grandissent et nous ramènent la richesse du sol. » 

Selon l’écologiste sénégalais, il s’agit là d’un moyen sûr et efficace de faire vivre le projet : « En fournissant aux gens les arbres dont ils ont besoin, ils vont s’en occuper, ils vont les aimer, les arroser et ils vont attendre de lui qu’ils donnent des fruits ». 

Les équipes engagées pour la reforestation œuvrent également au développement d’une agriculture durable en investissant dans la plantation d’espèces endémiques. Des arbres qui s’étaient jusqu’alors raréfiés sont progressivement ré-introduits au sein des terres. C’est le cas du manguier ou de l’anacardier, des plantes qui constituent une source d’alimentation mais également de revenus pour les familles. 

De fait, la Grande Muraille Verte n’apparaît pas seulement comme un projet de grande envergure visant à répondre à une urgence climatique et environnementale, elle permet également de redynamiser l’économie locale en créant des centaines de milliers d’emplois. 

Renzo D’souza, Unsplash Licence, publiée en 2020

Les propositions évoquées lors de la COP 26 

Cependant, afin de répondre aux objectifs que se proposent d’atteindre les 11 états sahéliens, premiers porteurs du projet, l’engagement et la mobilisation humaine sur le terrain ne suffisent pas. L’initiative nécessite également un soutien économique solide de la part des bailleurs de fonds nationaux, internationaux et des investisseurs privés. 

Aussi, à l’instar du gouvernement français qui annonce une participation de 14 milliards de dollars en faveur de la réhabilitation des terres dégradées, la fondation Bezos se joint également à la cause, indiquant apporter une aide financière de 1 milliard de dollars. 

À l’occasion de la COP 26, le président français Emmanuel Macron soulignait également l’importance de développer des stratégies connexes à la Grande Muraille Verte, en investissant notamment dans la « production et la transformation locale de protéines végétales». La culture des légumineuses permettrait ainsi de lutter contre l’érosion des terres mais aussi de fournir une réponse valable à la malnutrition l’émaciation sévère qui touche notamment le Sahel, tout en favorisant la fertilité des sols. Autant de raisons qui, d’après le président, font de cette stratégie agro-alimentaire un moyen de lutte durable et efficace contre l’essor du Sahara.