Jeux vidéo et santé mentale : dépasser les clichés

Ophélie ALEVEQUE

En 2019, l’OMS classait le trouble du jeu vidéo comme maladie. Ce changement, qui prend effet le 1er janvier 2022, relance les débats sur les conséquences des jeux vidéo sur la santé mentale des joueurs. L’OMS avait déjà, en 2018, répertorié les jeux vidéo dans la liste des addictions au même titre que les drogues ou l’alcool. 

Le trouble du jeu vidéo se caractérise par la « perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêts et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables », selon l’OMS. 

Un impact sur la santé mentale ? 

Les jeux vidéo sont souvent décriés à cause de l’idée selon laquelle ils engendreraient des soucis de santé mentale. De fait, une pratique excessive n’exclut pas le risque de développer des troubles du comportement, de l’humeur (anxiété, envie suicidaire), des problèmes d’inattention ou encore de sommeil. Ceux-ci peuvent s’aggraver pour les joueurs qui en souffrent déjà. 

En effet, selon le site Santé Mentale Canada, certaines personnes sont plus susceptibles de développer une addiction ou un trouble du jeu vidéo : les individus atteints d’anxiété ou de dépression, ayant des troubles de l’attention avec hyperactivité ou encore les personnes atteintes de troubles du spectre autistique. Pour ces personnes, les jeux vidéo peuvent être un moyen de s’évader du monde réel, de ressentir du plaisir grâce à la sécrétion de dopamine ou encore de construire des relations avec d’autres individus. De ce fait, le jeu vidéo apparaît plutôt comme un palliatif à des situations de stress occasionnées par les troubles de santé mentale. 

« Certaines personnes sont plus susceptibles de développer une addiction ou un trouble du jeu vidéo » 

Ainsi, une étude du Ministère de la Culture révèle que le nombre de joueurs réguliers a fortement augmenté pendant la période de confinement, particulièrement angoissante, passant de 44 % en 2018 à 53 % en 2020. Au-delà de l’aspect ludique des jeux vidéo, ce sont leurs fonctions d’évasion et le lien social entre les joueurs qui étaient recherchés par les utilisateurs. Ils sont 36 % à déclarer que le jeu vidéo leur a permis de garder contact avec leurs proches durant le confinement. 

Le jeu comme traitement 

Plus qu’une échappatoire, les jeux vidéo peuvent-ils soigner ? C’est la question que se posent les chercheurs Guillaume Gillet et Yann Leroux dans Le jeu vidéo pour soigner ?.
Loin d’être un substitut au psychothérapeute, le jeu vidéo est un outil, ni bénéfique ni problématique, dont les effets dépendent du rôle que lui attribue le soignant. Comme toute médiation dans un cadre thérapeutique, l’utilisation des jeux vidéo doit être cadrée et sa fonction doit être justifiée. La première des conditions évoquées par les chercheurs pour un bon emploi thérapeutique se situe dans l’intérêt personnel du soignant pour la pratique. Ils précisent que celle-ci ne pourra être efficace auprès du patient que si le soignant est « amoureux » de cette pratique culturelle. 

« Les jeux vidéo peuvent avoir un impact positif sur les capacités visuelles attentionnelles »

D’ailleurs, une enquête réalisée en 2020, par des chercheurs de l’Université de Limerick en Irlande à partir de données fournies par des acteurs de l’industrie du jeu vidéo, indique que les jeux vidéo peuvent avoir des bienfaits sur les joueurs et leur santé mentale. 

Dans une étude de 2003, les chercheurs de l’université de Rochester, aux États-Unis ont même démontré que les jeux vidéo peuvent avoir un impact positif sur les capacités visuelles attentionnelles : attention visuelle accrue, facilité à repérer une cible en vision centrale et périphérique, attention sélective… Ils constatent également une amélioration des réflexes, du sens de l’observation, de la mémoire, de la planification d’actions ou encore du raisonnement inductif.