Hold’up, un objet culturel à la croisée des enjeux de la pandémie – Interview avec Céline Morin

Une production de ce genre est à la croisée de plusieurs enjeux sociaux, informationnels, et même idéologiques, pour y voir plus clair, décryptage avec Céline Morin, Maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication, spécialiste des communautés en ligne et sensibles aux questions relevant des récits alternatifs.

Un documentaire comme Hold’up affiche plusieurs caractéristiques qui en font un objet culturel singulier. Motivé par une recherche de “la vérité” qui est supposée ici être cachée. En se plaçant dans une position de “TruthSeeker” (chercheur de vérité), les réalisateurs cherchent à s’adresser à un public qui est déjà convaincu du manque d’honnêteté du gouvernement en place.

Pourquoi une telle défiance d’un certain public sur la version officielle relative au coronavirus ?

Pour Céline Morin, la volonté de communication transparente du gouvernement peut être délétère. Le secret est un besoin pour gouverner, on ne peut pas rendre disponibles toutes les informations. On essaie donc de créer une transparence fausse qui sera ensuite accusée de ne pas jouer complètement le jeu, ce qui est vrai. Se placer dans une volonté de transparence est donc une lame à double tranchant puisqu’on lui reprochera toujours de ne pas être une transparence totale qui elle-même n’est pas souhaitable.

Comment expliquer l’attrait du grand public pour ces théories complotistes ?

Le complotiste ne vient pas seulement du fait que les gens aiment lire des choses extrémistes, il vient d’une structure sociale. “Le complotisme vient nous sécuriser par le pire” d’après Cynthia Fleuri. 

Cela permet de faire sens d’un monde devenu extrêmement complexe à une époque où on est sorti des grands récits de l’histoire. Il permet également de créer un ennemi commun et fédère donc facilement. Le complotisme est séduisant, car il remet en scène une forme de grand récit qui fait sens de l’époque tout en bloc, ce qui est bien plus facile à appréhender que la complexité d’une crise sanitaire mondialisée, qui s’accompagne aussi bien d’une crise économique que d’une crise sociale.

La Covid-19 est une cible parfaite pour le complotisme, c’est un ennemi invisible et inconnu qui amène du risque dans la vie de tous les jours. Il est naturel d’essayer de faire sens de la situation quitte à se rassurer par le pire. Cela permet d’appliquer une grille de lecture au monde et d’en faire sens à une période chaotique. Le fait que beaucoup de questions, notamment sur l’origine du virus, restent encore aujourd’hui en suspens, le vide appelle à être comblé par des théories complotistes.

Interview réalisée par Andreas Verner.