Cyberharcèlement : qu’est-ce que c’est et que dit la loi à ce sujet ?

Annaël RENARD et Siramoussa KALOGA

En France, les témoignages en matière de violence en ligne se multiplicateur. Si le nombre de victimes reste pour lors difficile à appréhender, l’ampleur de la haine dans le cyberespace demeure bien réelle. Entre témoignages et recours en justice, retour sur cette intimidation anonymisée à laquelle la juridiction et le gouvernement tentent de faire face.

La cyberviolence naît avec les débuts d’internet et s’accroît inexorablement depuis la naissance des réseaux sociaux en 1997. Désormais, de multiples formes de cyberharcèlement sont dénoncées et reconnues. Flaming, revenge porn, happy slapping, menaces et insultes deviennent le quotidien des victimes et notamment de jeunes adolescent.es mais pas seulement. 

Pour commencer :

Un phénomène préoccupant qui touche des femmes et des hommes 

Les violences à caractère sexiste et sexuel notamment, ne sont que trop répandues sur la toile, s’exerçant avec une banalité déconcertante dans ce lieu qui reste un espace public : internet.
De nombreuses personnalités subissent le lourd tribut de ces violences anonymisées. C’est le cas de la chanteuse et influenceuse Sindyoff, de son vrai nom Sindy Michelle Claudia Auvity, victime depuis deux ans des méfaits du cyberespace. 
Désormais porte-parole de la lutte contre les violences faites aux femmes, la jeune influenceuse relatait il y a quelques semaines les menaces reçues sur ses réseaux sociaux. Les dick pic s’envoient en un claquement de doigt et s’accumulent dans son téléphone personnel, au même titre que les sexting non désirés et des menaces verbales d’une violence extrême :

« Au delà de me faire insulter sur internet tous les jours où on me dit je vais te mettre dans un coffre, je vais te violer […] ils sont rentrés dans mon domicile pendant que je dormais pour me voler mon téléphone et mon ordinateur et me gazer pendant mon sommeil ».
Dorénavant, la vidéaste s’engage encore davantage contre la normalisation de la violence et notamment celle qui s’exerce à l’égard des femmes. Il s’agit pour elle de lutter contre ces arguments qui n’en sont pas. 

« Il n’y a rien qui justifie que je vive ce quotidien-là, ni moi ni aucune femme [ni personne]. Il n’y a rien qui justifie qu’on harcèle quelqu’un ».

Si le cyberharcèlement à l’égard des femmes constitue ainsi un pan du prisme, les détracteur.rices s’approprient d’autres parts de l’humain pour justifier l’intimidation.
Comme près de 20% des jeunes en France, Hugo fait partie malgré lui de ces adolescent.es qu’internet n’a pas épargné.es. 
En 2018, lors d’une interview pour TF1, le jeune homme alors âgé de 16 ans, témoigne de la violence homophobe dont il a été victime pendant près de 8 mois, dans ce lycée catholique qu’il fréquentait. Son orientation sexuelle a en effet été prise à partie par certains de ses camarades, dont les questions indiscrètes concernant sa sexualité ont rapidement laissé place à des remarques malsaines et violentes :

« Ils avaient créé un groupe de la classe sur Snapchat, sur lequel ils s’amusaient à me rabaisser : Tu sais que dans ma religion les gays on les tue ».

Wissale Achargui, membre du collectif Féministes contre le cyberharcèlement rappelait en 2017 : « [Quand on parle de cyberintimidation] on a souvent l’image – parce que c’est celle qui est normalement véhiculée dans les médias et ailleurs – d’événements sensationnels, de quelque chose d’unique, qui sort de l’ordinaire. […] ce qu’on oublie de dire, c’est que ce n’est pas que ça. Le cyberharcèlement, c’est aussi un phénomène redondant, systémique, qui vise quotidiennement les femmes, les personnes racisées ou LGBT. »

« On t’oubliera pas le jour venu, c’est la corde qui t’attendJérôme Marty »

En cette période de crise sanitaire, le corps médical ne se trouve pas en reste, ce que démontrait, Jérôme Marty, médecin et président du Syndicat de Médecins Généralistes et Spécialistes français (UFLMS)  il y a quelques semaines. Avec l’accélération de l’obligation vaccinale et la prise de position pour la vaccination, lui et d’autres confrères et consœurs, se trouvent la cible de nombreuses insultes et menaces sur les réseaux sociaux.

« On t’oubliera pas le jour venu, c’est la corde qui t’attend Jérôme Marty » ; « Une balle dans la tête, espèce de sale merde que tu es », ne sont que quelques exemples des messages venus parer son quotidien de fête.

Cette violence répétée et extrême a d’ailleurs conduit ce professionnel de santé à faire appel aux services d’un garde du corps, craignant pour sa vie, face au déferlement de certains anti-vaccins. 

Un homicide des temps modernes ?

Les témoignages de victimes s’accumulent et la même rengaine sur les lèvres : jusqu’à quand ? « Il faut attendre de mourir pour que quelque chose soit fait ? » déclarait la youtubeuse Sanaa El Mahalli, dans une vidéo datant de 2017. La jeune femme y relate l’enfer qu’elle et ses proches ont vécu pendant 1 an, entre diffamation, déversoir de haine et création de comptes Instagram avec pour seul mot d’ordre l’exécration :

« [Elles publiaient des photomontages avec le visage] de ma sœur sur des corps de prostituées avec des tarifs à côté, des photos de mes potes sur des corps de chiens avec moi derrière, ma photo sur un corps de terroriste, on a mis ma tête sur un corps d’un membre de Daesh ». Si les faits relatés par la jeune femme ne sont que trop abjectes et glaçants, celle-ci, grâce à de multiples recours en justice, a finalement pu mettre un terme à ce calvaire.

« J’ai trouvé les coordonnées des deux comptes qui continuaient d’exister. Dès lors qu’un huissier est passé chez elles, car c’était deux nanas, les comptes ont sauté. Il n’y a plus eu de comptes anti sananas car elles se sont dites putain elle m’a trouvée  ». 

En revanche, pour certaines victimes l’histoire est autre. Ce que démontre le décès de la youtubeuse et mère de famille Maëva Frossard, dont le suicide a été annoncé en décembre dernier, devenue la proie depuis deux ans d’un harcèlement massif sur les réseaux sociaux. 
Pour Maître Giuranna, avocat de la jeune femme, la cyberintimidation « s’apparente à un homicide des temps modernes. Vous pouvez tuer quelqu’un.e avec quelques paroles, des fausses informations et du harcèlement. Il faut absolument que les pouvoirs publics réagissent, durcissent les législations, donnent les moyens aux services d’enquêteur.rices d’identifier les harceleur.euses qui sont des lâches, écrivent derrière leur écran et se sentent tout.e puissant.es, il faut que la peur change de camp ».

Ce phénomène pose la question de l’anonymisation de la parole sur internet. Est-il possible de garantir ce droit, quand celui qui en jouit s’en sert pour construire de la haine et nuire psychologiquement à autrui ?
Face à l’accroissement de la violence qui s’exprime de part en part de l’hexagone mais aussi du monde, que proposent les pouvoirs publics pour enrayer ce fléau ? Quelle aide judiciaire est apportée aux victimes ?