Coronavirus : les femmes agissent, les hommes commentent

Aides soignantes, infirmières, caissières, préparatrices en pharmacie et bien d’autres femmes sont en France, et dans de nombreux pays, au front pour lutter contre une pandémie à l’origine de plus d’1 million de décès dans le monde.

« Ce qui fait tenir la société, c’est d’abord une bande de femmes. Depuis longtemps, ce sont les femmes qui portent les métiers de soin ». Christiane Taubira

Les femmes représentent 70 % du personnel médical et 85 % du personnel infirmier des hôpitaux à  travers  le  monde.  En  France  ces  chiffres  s’élèvent  à  78  %  pour  le  personnel  médical  et  90  % pour les infirmières (source:OMS). Largement majoritaires parmi le personnel soignant, mais également dans les secteurs essentiels au bon fonctionnement de notre société comme l’a souligné l’ancienne Garde des Sceaux, Christiane Taubira, les femmes sont en première ligne pour lutter contre la COVID-19. Mais cette place centrale demeure dévalorisée, elles restent sous représentées dans les instances chargées de la gestion de la crise mais également dans les médias.

L’Institut  national  de  la  statistique  et  des  études  économiques  (Insee)  a  mis  en  lumière  des chiffres frappants quant à la sur-représentation des femmes dans les métiers directement exposés  au virus, près de 90% du personnel caissier sont des caissières, ce qui représente près de 135 000 femmes à travers la France. 98% des aides ménagères et des aides à domicile sont également des femmes.

« Je travaille dans un supermarché et suis en première ligne pour gérer le stress et l’incivisme des clients, gérer leurs états d’âmes en temps normal est déjà difficile, cela l’est davantage en cette période. Il faut se préparer à leurs remarques, leur manque de respect et à gérer leur panique. J’ai remarqué qu’entre eux, ils faisaient bien attention à garder leur distance de sécurité, ils respectent. Cependant, la plupart a l’air de croire que les caissiers sont immunisés contre la COVID-19. Ils n’hésitent pas à s’approcher de nous pour nous poser de nombreuses questions ou nous parler. J’ai l’impression que s’ils pouvaient nous faire la bise, ils le feraient ». Elsa M, employée dans un supermarché au Huffingtonpost.

« Travailler en ce moment, c’est fondamental pour moi, il y a de nombreuses personnes âgées isolées dans leurs maisons, sans visites de leurs proches donc grâce à mes collègues et moi, ils ont un contact humain. Je sais très bien que si je ne viens pas chez certain(e)s, ils/elles ne vont pas s’alimenter, ils ne vont pas réchauffer leurs plats. On m’a remercié dernièrement de mon travail et de ma présence. On m’a même dit que ma profession n’a pas été mise en valeur dans les médias. Avec ce virus, on parle de mon métier mais après, on va m’oublier ». Frédérique, aide à domicile auprès de personnes âgées à Aufeminin.

Malgré la grande proportion de femme en première ligne dans les secteurs d’activité directement confrontés au virus, leur lutte demeure dévalorisée par les instances dirigeantes principalement masculine, en France, 70 % des conseillers de l’Élysée sont des hommes et à l’échelle mondiale, sur 200 pays, seuls 21 ont comme chef d’État une femme. Selon deux études du CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) et de l’INA (Institut national de l’audiovisuel), la crise du coronavirus a montré que les médias privilégient encore largement les hommes lorsqu’ils ont besoin d’une parole experte. Durant cette crise sanitaire, le taux d’expertes dans les médias audiovisuels analysés, toutes professions confondues, est de 20 % contre 38% en 2019. Un chiffre sensiblement égal concernant la santé : seuls 21 % des experts présents à l’antenne étaient des femmes.

La Secrétaire d’État chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa a déploré auprès de l’Express être « face à des décideurs qui ne savent pas faire respecter les droits des femmes et mettre en œuvre une égalité réelle. Et cela se constate d’autant plus en temps de crise car tout est exacerbé ».

Article rédigé par Mouna El Bouhali.