Gérald Darmanin a demandé ce lundi 1er octobre la suppression d’une base de données collaborative contenant 4.000 visages d’agents de force de l’ordre français. L’artiste Italien, Paolo Cirio, à l’origine de ce site internet, s’est retrouvé contraint de supprimer les clichés après les menaces de l’homme politique.
Ce jeudi 1er octobre, Gérald Darmanin a exigé le retrait des photos publiées sur le site internet de l’artiste italien sous peine de poursuites judiciaires.
« Il s’agit d’une insupportable mise au pilori de femmes et d’hommes qui risquent leur vie pour nous protéger » déclare-t-il.
Pour notre homme politique, cela est totalement inadmissible et il demande également la déprogrammation de l’exposition dans un tweet posté le 1er octobre : « Je demande la déprogrammation de l’exposition et le retrait des photos de son site, sous peine de saisir les juridictions compétentes ».
Les syndicats de police ont quant à eux été satisfaits de cette déprogrammation. « Son intervention a permis de dé-programmer une entreprise criminogène sous couvert d’une démarche artistique » cite l’un des syndicats.
Plus de 4.000 portraits supprimés
Paolo Cirio avait réalisé une base de données contenant un grand nombre de photos publiques. Selon l’artiste italien, elles ont été récupérées sur Internet ou directement auprès des journalistes pendant des manifestations ayant eu lieu entre 2014 et 2020 en France. Puis, elles ont été traitées à l’aide d’un outil de reconnaissance faciale.
Un acte qui suscite également la colère chez les syndicats de police tel que Alliance, syndicat des gardiens de la paix. Ce dernier dénonce une « pure provocation » et exige « la saisie de lajustice». Son homologue Unité-SGP-FO fait état d’une démarche « inadmissible,intolérable».
« Ça commence par une volonté d’identifier les policiers pour ensuite connaître leur domicile », tweete le syndicat indépendant des commissaires de police.
Ironie du sort, le projet « Capture » intervient alors que le ministre annonce son souhait d’obliger les chaînes de télévision et les réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter, à flouter les visages des policiers et gendarmes lorsqu’ils sont en opération.
Un projet artistique qui divise
« Capture » est une performance collaborative orchestrée par Paolo Cirio,
« hacktivist » italien et défenseur de la vie privée sur Internet. L’artiste est notamment connu pour avoir piraté le site de l’OTAN, en 2002.
En septembre 2020, il décide de sensibiliser les Français sur les dangers de la reconnaissance faciale et lors d’une nouvelle performance, colle une cinquantaine de portraits de policiers dans les rues de Paris. « Pourquoi les policiers veulent-ils nous identifier, alors qu’eux se cachent le visage ? » s’interroge-t-il.
Au total, plus de 4.000 portraits, pris lors de manifestations à Paris entre 2014 et 2020, ont été récoltés et publiés afin de créer une base de données collaborative. « J’ai traité ces images avec un logiciel de reconnaissance faciale, très commun, et je les ai publiées sur un site Internet. Toute personne qui reconnaît l’un de ces visages peut renseigner leur nom pour créer une base de données qui comprend environ 4.000 policiers ».
Le but de l’artiste est donc d’alerter sur les dangers de la reconnaissance faciale car il la décrit comme « une atteinte à la liberté publique extrêmement grave » et plus précisément, en France. En effet, Amnesty International a révélé lors d’une enquête publiée le 20 septembre dernier que trois entreprises basées en France, ainsi qu’en Suède et aux Pays-Bas, vendaient régulièrement des systèmes de surveillance numérique à la Chine.
Une pétition pour « bannir la reconnaissance faciale en Europe » est actuellement disponible et présente déjà plus de 14.000 signatures.
Débat autour du droit à l’image
L’acte de l’artiste italien pose « problème » pour l’officier de gendarmerie Mathieu Audibert car selon lui, le non-respect du droit à l’image est répréhensible, « ce qui est sanctionné ce n’est pas le fait d’avoir les photos, c’est de prendre l’ensemble des photos et d’en constituer un traitement de données à caractère personnel » précise-t-il.
À ce titre, l’article 226-16 évoque « le fait […] de procéder ou de faire procéder à des traitements de données à caractère personnel sans qu’aient été respectées les formalités préalables à leur mise en oeuvre prévues par la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300.000€ d’amende ». Ainsi, ce qui est condamné ici est l’utilisation des données par l’artiste et non pas, la possession de ces données.
Un débat qui ranime notamment la question du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) censé « renforcer et unifier la protection des données pour les individus au sein de l’Union européenne », et ses limites.
Article rédigé par Nicolas Cogoni.