Un délit à l’ère du numérique, judiciairement mal géré
Bien qu’une loi régissant le cyber-harcèlement soit entrée en vigueur dans le Code Pénal en 2014, les condamnations sont quasi-inexistantes. Ce délit est pourtant de plus en plus fréquent. Selon le ministère de l’Intérieur, en 2016 on comptabilisait 235 plaintes pour cyberharcèlement, 414 en 2017 et 497 en 2018. Mais combien mènent à une condamnation ? Entre 2014 et 2017, seulement 18 ont été prononcées (une seule en 2014, cinq en 2015, sept en 2016 et cinq en 2017). Et de 2014 à 2019 il n’y a eu au total que 20 condamnations pour revenge porn. Jusqu’à maintenant, les réponses au cyber-harcèlement restent encore très floues car le ministère de la Justice n’a pas publié de chiffres exacts, ni même comptabilisé les affaires classées sans suite.
Pour tenter d’améliorer l’appareillage législatif, la loi s’est durcie en août 2018 : pour être accusé.e et condamné.e de cyber-harcèlement il ne faut plus forcément avoir agi de manière réitérée. Le président de la République, Emmanuel Macron, s’était lui-même réjoui du durcissement de cette loi. Mais bien souvent, les victimes font face au « défaut de crédit » selon Me Tewfik Bouzenoune, avocat de victimes de cyber-hacèlement, lors d’une interview pour le journal La Croix.
Il ajoute que celles-ci doivent « se justifier de ne pas être paranoïaques ». Pour lui, si ces plaintes ne sont pas assez prises au sérieux, c’est à cause du manque de personnels, qui ne sont, en outre, pas formés à ces problématiques dans les services de police et de gendarmerie et qui refusent abusivement les plaintes ou les classent directement sans suite. Les victimes, peu entendues, peuvent demander le retrait des contenus qui leurs nuisent auprès d’intermédiaires (tels que des responsables de forums, des hébergeurs de vidéos ou de réseaux sociaux). Mais n’étant pas une plainte officielle, cette démarche n’aboutit que rarement au retrait des contenus. De plus, les conditions de retrait dépendent des critères des plateformes et non des lois françaises, ce qui aide encore moins les victimes.
Les solutions du gouvernement : prévenir pour protéger Le système a du mal à gérer le fléau du cyber-harcèlement, notamment scolaire. C’est pourquoi des mesures sont mises en place par le gouvernement, pour une meilleure prise en compte judiciaire et une reconnaissance des victimes face aux cyber-harceleurs.euses, toujours plus nombreux.ses.
Le 18 novembre 2021, à l’occasion de la journée nationale contre le harcèlement scolaire, Emmanuel Macron déclarait que « parce que les élèves harcelé.es sont souvent isolé.es, bâillonné.es par la peur et leurs détracteurs.rices, nous devons leur faciliter le signalement de celleux dont iels sont victimes », et ce notamment par le biais de dépôts de captures d’écrans afin d’accélérer le traitement des signalements. Ce jour, il annonçait également le lancement de l’application « 3018, dont la sortie est prévue pour février 2022. Cette solution s’ajoute au numéro gratuit déjà existant, qui sert à dénoncer et prévenir le cyber-harcèlement. »
Parmi les solutions proposées, l’idée est aussi de sensibiliser les élèves à l’usage du numérique et des réseaux sociaux à l’école, et ce dès la classe de 6e. Pour ce faire, des sessions obligatoires de sensibilisation menant à l’obtention de certifications seront mises en place à la rentrée prochaine. Le président de la République estime que les jeunes doivent être accompagné.es, écouté.es et suivi.es. C’est pourquoi des personnels professionnels et qualifiés seront déployés dans les lieux physiques d’accueil pour jeunes (espaces jeunes, maisons de quartiers, etc…) pour de meilleures prises en charge.
Selon l’étude réalisée par l’association e-Enfance (qui gère le numéro 3018) et par la Caisse d’Épargne en Mai 2021, 75 % des parents interrogés s’inquiètent que leurs enfants soient victimes de cyber-harcèlement et 83 % reconnaissent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants font sur Internet ou les réseaux sociaux. Emmanuel Macron annonçait donc le renforcement des lois sur le contrôle parental afin de les accompagner au mieux dans cette lutte contre le cyber-harcèlement. La mission serait d’appliquer ce contrôle par défaut sur tout outil numérique susceptible d’être utilisé par le jeune, c’est-à-dire directement là où s’opère cette forme de violence particulière.
De plus, lors du Forum de Paris sur la Paix le 11 novembre 2021, avec la collaboration de l’association Unicef, le chef de l’État lançait un appel à l’action « Défendre les droits de l’enfant dans l’environnement numérique ». Cette initiative, rejointe par plusieurs états, associations et organisations gouvernementales, vise à reconnaître politiquement et juridiquement les droits de l’enfant en ligne.
Pour faire face au fléau du cyber-harcèlement scolaire, la solution choisie est celle de la prévention, qui doit commencer dès le plus jeune âge. Depuis 2004, tous les 8 Février se tient le « Safer Internet Day » : c’est une journée internationale (déployée dans 150 pays) qui vise à sensibiliser les jeunes, les familles et les membres de la communauté éducative aux usages du numériques pour une utilisation d’internet plus sûre.