Thierno BA
L’immigration est devenue aujourd’hui l’une des problématiques centrales des débats européens. Entre les pro et les anti-immigration, la question investit les projets politiques des candidats aux présidentielles de beaucoup de pays de l’Union Européenne.
Le 24 novembre 2021, au large de Calais, un bateau s’échoue, coûtant la vie à vingt-sept Ce naufrage dans la Manche a ranimé le débat sur l’immigration dans un contexte d’augmentation des traversées clandestines.
Ce drame illustre un fléau récurrent depuis quelques années. Au cours de la dernière décennie, l’immigration, peu à peu, est devenue une inquiétude majeure au sein de l’Union européenne (UE)… Un article, publié en septembre 2016 dans la revue de la Fondation Robert Schuman2, révèle qu’elle constitue l’une des principales préoccupations des citoyens.nes. Rien qu’en 2016, elle occupait à elle seule 48 % des thèmes les plus cités par les sondés, devant le terrorisme (39%), la situation économique (19 %) ou le chômage (15 %).
L’étude rapporte également qu’en 2016, près de 35 % des Français.es (+8 % par rapport à 2015) par rapport à 2011), 34 % des Espagnols.es (+20 %), 57 % des Allemands.es (+36 %), 71 % des Danois.es (+45%), 51 % des Anglais.es (+27 %) considèrent que l’immigration constitue l’un des deux problèmes auxquels l’UE est confrontée.
L’immigration : un débat qui divise l’Union Européenne
Au sein de l’UE, c’est en 2011 lorsque la crise en Libye et en Syrie occasionnent de vastes mouvements de populations que l’immigration est devenue un enjeu considérable. Les demandes d’asiles se multiplient, c’est le début d’une crise sans précédent qui divise au sein de l’Europe.
Quatre ans plus tard, en 2015, la crise des réfugiés occasionne près de 1,2 million de nouvelles demandes d’asile, soit une progression de plus de 50 % par rapport à 2013. Face à la multiplication des traversées en mer Méditerranée, l’Europe peine à trouver un consensus pour contrer les arrivées illégales. Les accords de Schengen en 1985, la convention de Dublin en 1990 et les accords de La Haye en 2004 n’ayant pas résolu définitivement la question. Les flux migratoires ne cessent de progresser.
Dans ce contexte, l’absence de consensus rend la cohésion entre les États de plus en plus difficile. Ainsi, au-delà des considérations économiques, le retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne a surtout été motivé par la question de l’immigration. Le Brexit, entré en vigueur en janvier 2021, a occasionné la fin de l’application du règlement Dublin III (qui détermine la responsabilité des pays dans l’examen des demandes d’asile et évite qu’une seule personne fasse plusieurs demandes d’asile dans plusieurs États adhérant au règlement) par le Royaume-Uni. À l’heure actuelle, aucun nouveau règlement ni accord n’est prévu pour le remplacer.
L’immigration favorise l’éclosion des partis nationalistes et « anti-migratoires »
La difficulté de trouver des politiques communes divise profondément les pays de l’Union Européenne, conduisant à une polarisation de la question de l’immigration par les partis politiques. Les partis nationalistes s’y opposent fermement et en font un axe directeur de leurs programmes électoraux. L’immigration est aujourd’hui au cœur des projets politiques de certains candidats.es à la l’élection présidentielle française.
Lors de sa première allocution en tant que candidat officiel, Éric Zemmour s’érige en véritable pôle « anti-immigration » en martelant que « l’immigration zéro deviendra un objectif clair de notre politique ». Cette déclaration intervient deux mois après sa prise de parole à Lille où il proposait d’ « arrêter l’immigration illégale et légale ».
Ces propositions font florès. Ainsi, lors des élections présidentielles en France en 2017, le Rassemblement National est arrivé second derrière la République en Marche d’Emmanuel Macron. Et le 10 janvier 2022, un sondage réalisé par Paris Match, LCI et Sud Radio place les candidats.es de l’extrême-droite en bonne position pour la victoire finale en 2022 : Éric Zemmour obtient un score de 12,5 % et Marine Le Pen se retrouvent avec 17,5% des intentions de vote. Ces deux partis (Le Rassemblement National et Reconquête) proposent de restreindre drastiquement l’immigration et la présentent comme l’un des principaux problèmes auxquels est confrontée la société européenne. L’offre politique proposée par les partis « anti-immigrants » et populistes entend résoudre définitivement la question.
Certains pays prennent d’autres voies. A titre d’exemple, le Danemark a décidé en juin 2021 d’externaliser la politique d’asile du pays. Cette mesure consiste à financer des pays tiers (les pays africains sont les plus cités) qui vont assurer l’accueil des migrants et le traitement des demandes d’asile.
D’autres pays pourraient emboîter le pas à l’État danois et aller vers des politiques plus communautaires. Avec des partis nationalistes qui prennent de l’ampleur et des gouvernements qui préfèrent faire cavalier seul sur la question, le risque d’une amplification des divisions qui existent déjà au sein de l’Union européenne n’est pas négligeable.