Confinement et violences conjugales : un huis clos sans issue

La mise en place du confinement a agi comme un « révélateur » des violences conjugales, un rapport publié en juillet par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) a mis en lumière des chiffres dramatiques.

En France, en 2019, 173 personnes sont mortes sous les coups de leur (ex-) partenaire. Une hausse de 16 % par rapport à 2018. Parmi ces victimes, 146 sont des femmes dont 26 avait déjà porté plainte pour des violences conjugales. Chaque année, environ 220.000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint, un chiffre qui ne tend pas à la baisse.
Si pour certaines femmes le travail et les liens sociaux leur permettent d’échapper le temps de quelques heures à la violence qu’elles subissent, les deux mois de confinement et l’impossibilité de s’extraire de son quotidien ont transformé leur domicile en un huis clos sans issues dont les journées étaient rythmées par les coups de leur conjoint. Entre mi-mars et le 10 mai 2020, veille du déconfinement, le numéro destiné aux femmes victimes de violences, 3919, a reçu 44 235 appels, c’est trois fois plus qu’en février ou mars. Les interventions des forces de l’ordre à domicile pour ce type de faits ont augmenté de 42% pendant la même période. Si moins de féminicides ont été recensés plus de tentatives de meurtre ont eu lieu. 13 affaires de tentative d’homicide visant les femmes, parmi celles-ci 7 victimes ont trouvé la mort. Certaines ont tenté de porter plainte mais les difficultés à se faire écouter par les autorités compétentes ont été un frein pour beaucoup d’entre elles.

La directrice adjointe de l’antenne de Villeurbanne de l’association VIFFIL SOS Femmes raconte à France Culture :

« Une dame s’est signalée le 28 mars à nos services, après avoir déposé plainte contre son ex- concubin. Il était revenu chez elle pour lui demander de reprendre leur relation, et il l’a frappée en présence de leur fils de 13 ans ». La victime a expliqué : « Il m’a bousculée, je suis tombée au sol, ensuite, il m’a filé un coup de pied au visage, puis un coup de poing derrière la tête quand je me suis relevée ». L’ex-concubin finit par quitter le domicile. La police, alertée par les voisins, intervient et demande à la victime d’aller voir un médecin. « Elle a eu une ITT de trois jours, et elle est allée déposer plainte, le problème c’est que la plainte était incomplète. Ils n’avaient pas mentionné que les violences s’étaient faites en présence de leur fils – ce qui est un facteur aggravant – et que son ancien compagnon la harcelait déjà avant ». L’association a donc conseillé à la victime de déposer un complément de plainte. Mais « le commissariat a refusé, en lui disant de revenir après le confinement, monsieur est convoqué au tribunal correctionnel en octobre mais il n’a pas eu d’interdiction de l’approcher, ce qui veut dire qu’aujourd’hui, rien ne l’empêche légalement de la voir, et c’est ce qu’il fait. Il se poste au coin de la rue, la suit. Elle est inquiète ».

La violence à l’égard des femmes a tendance à augmenter dans tous les types de situations d’urgence, y compris les épidémies. Le cas de la France n’est pas isolé, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) alerte sur une hausse des appels liés aux violences conjugales allant jusqu’à 60 % en Europe. Si les signalements ont été plus élevés pendant le confinement, ils ne permettent pas de savoir si le nombre de faits de violences intrafamiliales enregistrés par les tribunaux a augmenté au cours du confinement.

Pour les femmes victimes de violences conjugales, le 39-19 (de 9 heures à 19 heures, du lundi au samedi) ou en ligne sur Arretonslesviolences.gouv.fr ( 24h/24 7j/7).

Article rédigé par Mouna El Bouhali.