Depuis l’apparition du virus en décembre 2019 à Wuhan, les théories du complot sur l’origine du virus pullulent. L’une des plus populaires est celle d’un virus manipulé par l’homme pour en faire une arme biologique. Cette théorie s’appuie sur différents éléments pseudo-scientifiques et annonces sur les médias sociaux et traditionnels.
Depuis le début de la pandémie, informations et fausses informations se croisent dans les mêmes canaux. Tant dans les médias traditionnels que les médias sociaux, et donc logiquement jusque dans la sphère privée, les discours et opinons se mêlent tous en une masse informe et difficile à aborder. Dans ce tumulte d’information, les théories du complot sont légion. Celle qui va nous intéresser ici est la possible manipulation génétique qu’aurait subi le virus afin d’en faire une arme biologique, cette théorie est apparue relativement tôt dans la crise sanitaire et a la peau dure depuis.
Entre information et désinformation scientifique
La question scientifique est ici complexe, car elle-même a la croisée de plusieurs subtilités propres au monde de la publication scientifique et de la recherche. Le temps de la recherche étant très long du fait de mécanismes de vérification comme la relecture par les pairs, il s’adapte mal à une situation de gestion de crise “sur le tas”. Pour remédier à cela, des systèmes de partage de prépublications existent. Ces articles sont en tous points similaires en aspect à des publications sérieuses, mais n’ont pas fait l’objet de révision par les pairs. Il est très simple, même pour l’œil entraîné, de confondre ces deux objets. On se retrouve alors mécaniquement avec des publications infondées et avancées par quelques chercheurs isolés. Pour notre exemple, plusieurs prépublications ont beaucoup fait parler d’elles.
L’importance des personnalités fortes
Le “Rapport Yan” par exemple soutient que le virus a été créé en laboratoire et réfute la thèse d’une origine zoonotique (transmission de l’animal vers l’homme). La chercheuse à l’origine de ce rapport, Li-Meng Yan docteure en médecine ayant déjà travaillé sur la transmission des coronavirus chez les rongeurs, a commencé à propager cette théorie dès janvier. Elle a plus largement fait parler d’elle en publiant en septembre le fameux rapport, co-signé par d’autres chercheurs, mais toujours pas examiné par les pairs, toujours sur un site de prépublication. Bien que tous les grands organismes aient rejeté l’article du fait de son manque de preuve et de sa nature spéculative, il continue d’être utilisé comme argument “scientifique”.
Une publication indienne dans la même veine a fait également beaucoup parler d’elle au début de la pandémie. Ces chercheurs avançaient que le virus était une version génétiquement modifiée du VIH. Cependant, processus similaire, cette prépublication n’a été revue par aucun des pairs.
Dans le même filon, nous avons également le professeur Luc Montagnier, lauréat d’un prix Nobel de médecine et professeur émérite à l’institut pasteur, qui affirme que le Coronavirus est une souche de VIH génétiquement modifié. Après examen, on se rend compte que le professeur est connu pour avoir défendu des thèses pseudo-scientifiques plutôt loufoques.
Ces personnalités fortes, jouissant d’une légitimité préexistante par leur qualité de chercheur ou le poste qu’ils occupent, peuvent impacter de manière significative le système médiatique. Les déclarations étant très tape à l’œil, des producteurs de contenus peu scrupuleux vont se faire une joie de les relayer dans des publications “clicbait” (appât à clic). Même si ces théories sont ensuite soigneusement démontées par les organismes scientifiques et journalistiques compétents, la rétractation d’une information touche en règle générale moins de 30 % de la population touchée par le message initial. Le mal est donc fait.
Une nécessité d’explorer toutes les possibilités
En dehors de cela, certains projets de recherche en cours visant à déterminer l’origine du Covid-19 sont souvent mis en avant pour montrer que des chercheurs se penchent sur certaines pistes comme une fuite de laboratoire. C’est cependant normal que le monde de la recherche examine toutes les pistes à sa disposition, même les plus improbables. C’est pourquoi il faut s’intéresser avant tout au consensus scientifique et ne pas le confondre avec des études isolées, la transmission zoonotique reste la piste privilégiée des chercheurs.
Article rédigé par Andreas Verner.