Le monde de la nuit s’est éteint depuis le premier confinement. Bars, clubs et manifestations festives sont interdites, ce qui a donné lieu à l’apparition d’événements clandestins. Dans ce contexte, nous avons interrogé le collectif Feel Free Records, organisateur de rave parties dans Paris et ses alentours.
Pourriez-vous présenter succinctement votre collectif ?
Nous sommes une association, Feel Free Records, plus communément appelée FFR. Notre noyau dur compte une dizaine de personnes, mais on travaille aussi avec une quarantaine de bénévoles qui nous suivent sur nos soirées. Notre philosophie : faire vivre la fête libre. On organise des événements à Paris et sa petite couronne, dans des lieux underground, le plus souvent cachés. On a aussi en projet de développer l’aspect légal, mais c’est en suspend pour le moment en raison de la situation sanitaire.Vous êtes le seul collectif à avoir organisé une rave en plein confinement.
Pour quelles raisons avoir fait ce choix ? Comment le justifiez-vous ?
Tout simplement parce que nous sommes en total désaccord avec les décisions du gouvernement vis-à-vis du secteur culturel. Continuer d’organiser nos soirées comme si rien n’avait changé –ou presque –constitue un moyen d’expression pour nous. Nous voulons montrer que la fête continue d’exister, et que nous ne sommes pas affectés ni concernés par les mesures restrictives. Nous considérons qu’elles sont illégitimes et qu’elles n’ont pas lieu d’être.
Quel est votre public de base ? Depuis le premier confinement, ce dernier a-t-il évolué, s’est-il diversifié ?
Nous avons bien sûr un public amateur de musique électronique et des rave parties, mais pas uniquement. Depuis nos débuts, on a toujours fait en sorte d’inclure un maximum de participants d’horizons variés : on a donc un public assez hétérogène de base. On peut dire que le confinement a été un accélérateur de sa diversification –avec des jeunes qui n’auraient clairement jamais imaginé aller en rave party dans leur vie –mais aussi de la diffusion de la culture de la free party. Fin septembre, l’un de vos événements à La Courneuve a été stoppé par les forces de l’ordre.
Avez-vous été confronté à la répression policière ? Si oui, comment s’est-elle manifestée ?
Il y a eu quelques dérapages, notamment avec les CRS qui se sont un peu lâchés niveau violence. Mais globalement, on peut dire que l’interpellation s’est déroulée sans accrocs. Nous n’avons d’ailleurs aucun démêlé avec la justice à déplorer à la suite de l’intervention. Les médias parlent beaucoup d’irresponsabilité et d’égoïsme vis-à-vis des jeunes.
Quelle est votre position par rapport à cette affirmation ?
Nous pensons que ce genre d’affirmations est regrettable et participe du clivage entre générations. En comparant les jeunes à des criminels, ils envoient un message clair : « la fête, c’est mal ». On a vraiment l’impression d’être sacrifiés. Aujourd’hui, tous les autres collectifs ont préféré se taire face aux restrictions : ce n’est pas notre cas. En réponse à ces affirmations que nous considéronsà la fois triste et très graves, on veut continuer d’organiser des teufs pour faire passer un message : « on ne va pas se taire ». On a de la chance, notre communauté répond présent à chaque fois, malgré les risques.
Pensez-vous qu’il faille repenser les événements festifs une fois la crise terminée ? Si oui, que changeriez-vous ?
Absolument pas. Nous avons un ADN fort dans le collectif, et c’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons choisi de continuer d’organiser nos soirées en dépit du confinement. En ce sens, on ne pense vraiment pas qu’il soit nécessaire de repenser les événements festifs tels qu’on les conçoit. En revanche, on a toujours cette ambition de travailler main dans la main avec les collectivités, développer un côté légal. On aimerait vraiment savoir si une collaboration est possible, voir un dialogue s’instaurer. Bien sûr, si ça ne marche pas, on continuera à faire du 100% illégal.
Interview réalisée par Olivier Ghezal.