Par Cyriane Dumur
© Cyriane Dumur- Bureau du ministre de l’intérieur, place Beauvau
À la vitesse où le dernier gouvernement a chuté, disons qu’on est plutôt sur un Airbnb. On s’attendrait presque à trouver le mot de passe Wi-Fi sur la table basse et un frigo avec deux yaourts périmés. Le dernier à y poser ses valises ? Laurent Nuñez. Après dix ans à attendre qu’on lui tende enfin les clés, il peut souffler : il est chez lui.
L’histoire de Laurent Nuñez, c’est celle d’un homme banal. En 2016, alors que les ouvriers bloquent le terminal pétrolier de Fos-sur-Mer, il décide de débloquer la situation à coups de CRS, gaz lacrymogènes et flash-ball. Résultat : plusieurs blessés du côté des grévistes. Idem quand, en 2023, il vole au secours de la Brigade de répression de l’action violente motorisée (BRAV-M), accusée d’un usage excessif de la violence. Sept blessés graves plus tard, Laurent reste droit dans ses bottes : tout va bien dans la police. Cerise sur le gâteau en 2024 lorsqu’il émet un avis « particulièrement favorable » à la mutation du policier qui a tué Nahel. Celui qui aurait dû passer du temps à l’ombre pourrait finalement profiter paisiblement du soleil du Pays-Basque.
En faisant mes recherches, j’ai aussi découvert que Laurent et moi étions nés le même jour. Depuis, j’ai décidé de fêter mon anniversaire le lendemain. Faites passer le mot.
Avant Beauvau, Laurent a tout fait : Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI), anti-terrorisme, préfet de Paris… Fidèle parmi les fidèles, il n’a même pas eu besoin de poster son CV sur LinkedIn : Macron l’a ajouté en ami en 2017 et depuis, il like toutes ses répressions.
Et pourtant, la concurrence était rude. Le casting du macronisme sécuritaire ressemble de plus en plus à une partie de Qui est-ce ?
– C’est un homme ? Oui.
– Il est blanc ? Oui.
– De droite ? Oui.
– Il a déjà tenu des propos flirtant grandement ou ouvertement racistes ? Oui.
Mince, toutes les cases sont encore debout. Tant pis, on n’a qu’à prendre Laurent.
Dans la vie, Laurent aime trois choses :
Les syndicats de police.
Les syndicats de police.
Les syndi… heu, pardon, les violences policières.
En revanche, s’il y a bien une chose que Laurent n’aime pas, ce sont les manifestant.es.
Les féministes radicales ? Interdites.
Les soutiens à la Palestine ? Interdits.
Les retraites ? Question piège : ça n’existe pas.
Mais rassurez-vous, il reste une manifestation : celle du défilé du 14 juillet, et encore, à condition que les chars roulent assez vite pour disperser les foules. Et pour surveiller tout ça, pas besoin de jumelles : il voit tout.
En effet, malgré ses grosses lunettes, Laurent Nuñez a 10/10 à chaque œil, manifestant.es en ligne de mire. Lorsque que ceux-ci disent « On veut du bleu plein les yeux, pas des bleus sur les yeux » Laurent répond : « ce n’est parce qu’un œil a été éborgné que la violence est illégale ». Les bleus, il les aime partout : sur les uniformes, sur les visages, et même dans les sondages, quand ils montent à droite.
En bref, cette semaine, Laurent a fait péter le champagne : le premier flic de France, c’est lui. Et s’il fait couler quelques larmes au passage ? Tant mieux, ça remplacera les canons à eau.
Nuñez promet une « rupture dans la forme » avec ses prédécesseurs. Mais sur le fond ? Rien ne change : la même politique raciste, antiféministe, xénophobe et pro-violences policières. On garde la forme, on recycle le fond, et on se retrouve quand le gouvernement aura sauté.
D’ici là, je vous redonne la date de mon anniversaire : le 20, pas le 19, merci.




