Par Hugo Bernard

« Héroïne » d’Au boulot !, le dernier documentaire de François Ruffin (instigateur du Nouveau Front Populaire) et Gilles Perret, Sarah Saldmann est-elle seulement une « blonde écervelée » comme la télévision tend à la construire ? L’avocate des plateaux télé, devenue « Grande Gueule » et intervenante régulière, semble se mettre la télévision dans la poche. Jusqu’où ira cette nouvelle figure du PAF ?

Sarah Saldmann, c’est d’abord l’histoire d’une avocate

La femme de 33 ans paraît sortir de nulle part, pourtant ses origines trahissent l’éducation qu’elle a reçue. Elle est « fille de » Frédéric Saldmann, cardiologue, nutritionniste et chef d’entreprise. Un père présent dans les médias, chroniqueur à RTL et souvent invité à la télévision ou à la radio. Sarah reconnaît que son père n’a pas été très présent dans sa vie. Pourtant, la « fille Saldmann » le reconnaît : « J’ai été à la bonne école » et s’est tout de suite sentie à sa place dans les médias, comme elle l’explique au Figaro.

sarah saldmannSarah Saldmann dans le documentaire « Au boulot ! ». Source : Jour2Fête

Sarah Saldmann a très tôt voulu être avocate : « Peut-être un peu par idéal, pour la défense de la veuve et l’orphelin… Mais bon, c’est vite passé. Le pénal, la comparution immédiate à Bobigny, la défense des trafiquants de drogue, j’ai vite vu que ce n’était pas moi ». Diplômée d’Assas et de la Sorbonne, elle a passé le barreau. Après quelques stages, son propre cabinet est monté en 2019, spécialisé dans le droit de la famille.

Tôt dans sa carrière d’avocate, Sarah Saldmann a su faire connaître les affaires qu’elle défendait. La première, c’est l’affaire Tesla : un chauffeur de taxi a voulu attaquer Tesla, marque de la voiture qu’il conduisait au moment d’un accident mortel. On note alors que « sa combativité a fait mouche ». Tant et si bien qu’elle a même défendu l’agence d’influenceurs Shauna Events, fondée par Magali Berdha. L’agence avait été attaquée par le rappeur Booba, accusant lesdits influenceurs d’arnaques en tous genres.

Une relation compliquée à sa profession

L’avocate a aussi défendu les familles de résidents chez Orpéa, à la suite des Fossoyeurs de Victor Castanet, livre choc qui a enquêté sur les conditions de vie des seniors dans les résidences du groupe. Prise en photo par Le Parisien devant le tribunal de Nanterre, elle allait déposé 80 plaintes pour former un recours collectif. Rebelote en juin 2022 contre les Ehpad Korian. Elle compte d’ailleurs faire de même avec le dernier livre de Castanet, Les Ogres, sur les crèches privées. Sauf que depuis, les plaintes n’ont jamais vraiment abouti.

sarah saldmannLe livre « Se protéger, c’est gagné ». Source : Éditions Robert Laffont

Au-delà de ses propres affaires, c’est sa relation avec le conseil de discipline de l’ordre des avocats de Paris qui est compliquée. En décembre 2023, elle a reçu un blâme avec une privation de faire partie du conseil de l’ordre pendant cinq ans. En cause, ses prises de position dans les médias ; pour le conseil, « La liberté d’expression de l’avocat ne l’autorise pas à donner de sa profession une image violente, vulgaire ou cynique. ». Dans son portrait sur la femme d’affaires, L’Express interrogeait des avocats, dont l’un deux était sans équivoque : « Tout le monde se fout d’elle, elle n’a pas beaucoup d’amis dans la profession. Elle est persuadée qu’être avocat c’est avoir plein de relation publiques dans un milieu où tous les coups de pute sont permis. ». Elle est même considérée par ses consœurs et confrères comme « une influenceuse racoleuse ».

La provocation comme stratégie rhétorique

Avec ses tailleurs et sa chevelure blonde toujours brushée, Sarah Saldmann représente l’archétype de la bourgeoise parisienne d’un temps révolu. Un style vestimentaire qui rentrerait presque en contradiction avec son style rhétorique, fait de provocation.

Elle utilise toujours un langage direct, facile à comprendre, avec des messages clairs et peu complexes. Son objectif, c’est toujours de vulgariser des idées pointues en les filant en métaphores immédiatement compréhensibles. Le but du jeu, c’est de mettre à mal ses adversaires rhétoriques en les provocants. Sarah Saldmann n’hésite pas à utiliser un langage cru, voire choquant, pour exprimer ses opinions, quitte à heurter les sensibilités. Un positionnement résolument populiste, souvent démagogique.

Son dernier combat, ce ne sont pas les nouveaux-nés mis dans des crèches, mais les « assistés » ; ou plutôt, ce sont eux qu’elle combat. Là où elle, a travaillé dur : « Aujourd’hui, je suis médiatique, je gagne bien ma vie, mais ça n’arrive pas tout seul : vous ne mesurez pas à quel point j’en voulais ! Beaucoup plus que les autres. J’avais la dalle. » Pour l’avocate, il y a une part de la population qui « profiterait » des aides sociales pour ne rien faire.

Cette provocation se retranscrit aussi dans les médias. Sarah Saldmann a des relations compliquées avec la presse écrite et s’en méfie beaucoup, après des portraits peu élogieux, explique-t-elle au Nouvel Obs : « J’ai été trop piégée par la presse écrite, je ne veux plus d’article qui me décrit avec mon chihuahua dans un café chic du 7 [ème arrondissement de Paris] ».

La provocation au service de son idéologie libérale

Même si Sarah Saldmann n’est pas une femme politique, elle se dit « sarkozyste » et est devenue grâce aux médias une éditorialiste politique, avec une position marquée à droite, libérale. Pour elle, c’est d’abord l’individu qui compte et pas forcément le collectif. C’est par exemple le cas avec l’écologie, comme elle a pu en parler dans Les Grandes Gueules : « À titre personnel, je me fous complètement de l’écologie, ça ne m’intéresse pas. Je vois d’abord mon intérêt personnel et éventuellement celui de la planète. Je prends des bains deux fois par jour. ».

Son plus grand combat, c’est celui de l’assistanat : Sarah Saldmann critique régulièrement celle qu’elle appelle les « assistés ». Ce seraient des citoyens « qui vivent sous perfusion d’allocs, sous perfusion d’aides, qui sont vautrées sur leur canapé à bouffer des chips devant la télé toute la journée », d’après ses mots dans Les Grandes Gueules. L’éditorialiste dénonce une « France d’assistés qui ne veut plus rien foutre ».

Sarah Saldmann est-elle riche ?

Avec son style incisif, elle n’hésite pas à exposer un mode de vie bourgeois, dans ses interventions médiatiques comme sur les réseaux sociaux. Pourtant, elle dit avoir « la frustration d’évoluer dans un monde riche, sans en avoir complètement les moyens, avec même, des petits boulots – promenades de chiens, correction de copies, rédaction des mémoires ». Sarah Saldmann s’estime être « une pauvre parmi les riches ». Elle sait qu’elle ne peut effacer ses origines sociales, alors elle cherche à les estomper, comme un Donald Trump. Une stratégie essentielle pour servir sa stratégie rhétorique, qui repose sur l’acharnement au travail à la méritocratie.

Cette richesse est aussi vestimentaire : Sarah Saldmann est adepte des talons de 12 centimètres, des vestes Chanel et de beaucoup de marques de luxe françaises. Dans Au boulot !, les articles de luxe sont même parmi ses plus grands rêves. Celle qu’on pourrait presque prendre pour une très jeune Bernadette Chirac est toujours maquillée, avec une coiffure blonde toujours soignée, le plus souvent rangée dans une longue queue de cheval. L’avocate n’hésite pas à compléter ses tenues par beaucoup de bijoux dorés. Que Sarah Saldmann soit riche ou non, elle est perçue comme telle, bien qu’elle s’en défende dans les médias.

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