Par Morgane Giraudeau et Chloé Champy

C’est le plus ancien journal jeunesse en France. Le Journal de Mickey a fêté 90 ans le 21 octobre dernier. À cette occasion, Édith Rieubon, rédactrice en chef, confie le secret pour captiver, encore aujourd’hui, des générations entières de lecteurs.

Chloé Champy : Quel est votre premier souvenir du Journal de Mickey (JDM) ?

Édith Rieubon : Je me rappelle surtout l’effet que me faisait le JDM. C’était comme une petite parenthèse un peu magique dans la semaine. Tous les mercredis je l’attendais dans la boîte aux lettres, il était plié en trois à l’époque. Jamais je n’aurais imaginé qu’un jour je serai à la tête du journal. Je garde notamment beaucoup d’affection pour un gag qui s’appelait « Hägar Dünor », un comic qui mettait en scène un viking qui n’avait que des misères.

Morgane Giraudeau : Comment le JDM a-t-il été créé ? 

ÉR : Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, ce n’est pas du tout une traduction d’un journal américain. Il a été créé en France par Paul Vinclair, un entrepreneur et homme de la presse française. Dans les années 1930, il se rendait aux États-Unis où il achetait des bandes-dessinées (BD) qu’il revendait ensuite aux quotidiens français. Dans ces BD, on retrouvait notamment Flash Gordon, Mandrake le magicien et, évidemment, Mickey Mouse. Voyant le succès de ce dernier, il a proposé à Disney de créer un journal qui s’adresse à toute la famille, mais en particulier aux enfants, et dont le héros serait Mickey. Il a obtenu l’accord de principe et a donc créé le Journal de Mickey. Le premier numéro sort le 21 octobre 1934 et rencontre un énorme succès : il s’écoule à 400 000 exemplaires. Pendant la guerre, le journal s’arrête en 1944. Il renaît en 1952 avec un nouveau numéro un, dans un format magazine de seize pages. Le logo s’inspire de ceux des magazines de l’époque comme « Life » et « Paris-Match ». Depuis, le Journal de Mickey persiste et fait partie du patrimoine français.

CC : Dans ce monde ultra connecté, comment le Journal de Mickey réussit-il encore à captiver son lectorat ?

ÉR : C’est un vrai pari. La presse écrite traverse une période difficile, mais le journal papier a encore un rôle à jouer. On s’adresse à de jeunes enfants et jusqu’à dix ans, beaucoup n’ont pas encore de téléphone. Les parents sont encore vigilants et font en sorte qu’ils ne soient pas collés constamment à un écran. Et puis, le JDM est un objet affectif : les enfants aiment le garder, le relire, faire les jeux, et écrire dessus. Des études montrent d’ailleurs que l’on retient mieux ce que l’on lit sur papier plutôt que sur un écran. Le JDM, est une alternative saine : ça ne fatigue pas les yeux, ne consomme pas d’énergie, et permet aux enfants de se reconnecter au monde réel. Quand on fait de la promo sur les réseaux sociaux et sur le site internet, le but est de rappeler l’existence du Journal de Mickey qui vient d’avoir 90 ans aux parents. C’est le plus ancien journal jeunesse en France encore en exercice donc quatre générations de lecteurs nous lisent. Et justement on a eu des témoignages très attendrissants de grands-parents pour les 90 ans. L’un d’eux se fait notamment appelé « Papy Mickey » et nous a raconté qu’il lit le JDM depuis plus de 60 ans. Aujourd’hui, sa femme est très malade, mais il continue de lui lire parce que c’est son petit bonheur de la semaine.

MG : Aujourd’hui, le JDM est aussi populaire auprès des adultes que des enfants. Comment a-t-il pu traverser les générations ?

ÉR : C’est en grande partie grâce aux personnages iconiques des bandes-dessinées : Mickey, Picsou, Donald… Les BD sont complètement intemporelles et indémodables puisqu’elles sont hors du monde réel. Ces personnages sont les incarnations de tous les archétypes des héros : il y a le héros brave et courageux, petit mais qui n’a pas peur des grands. C’est Mickey. Donald : le colérique, fainéant mais attachant et rigolo. L’oncle un peu grognon qui envoie ses neveux aux quatre coins du monde pour vivre des aventures, c’est-à-dire Picsou. Sans oublier les enfants débrouillards qui parcouraient déjà la nature avant que Koh-Lanta n’existe et qui étaient écolo bien avant tout le monde (rires). Ce sont les Castors Juniors. 

Quand on a dix ans, c’est très rassurant de lire tout ça. Peu importe ce qui arrive : on peut ne pas avoir fait ses devoirs, on peut partir sur la lune, on peut tomber au fond d’un trou au centre de la Terre, ou rencontrer des extraterrestres à la fin de la BD, tout se termine bien. Les formules changent et nous nous renouvelons au fur et à mesure des années mais le principe reste le même. Je dis toujours qu’au JDM on a deux grandes oreilles : une qui est tournée vers l’imaginaire avec les bandes-dessinées et l’autre vers le monde réel avec les articles. Aujourd’hui, quand je crée un nouveau numéro, j’essaie toujours de me dire qu’il faut absolument que les enfants finissent de lire le JDM en ayant appris des choses et en ayant le sourire.

CC : Quels conseils donneriez-vous aux parents pour encourager leurs enfants à lire, et pourquoi choisir le Journal de Mickey ?

ÉR : Il est important d’inciter les enfants à lire en leur offrant des supports qui leur plaisent. Un journal jeunesse est idéal pour cela. Il permet de découvrir la lecture de manière progressive : des gags en une planche pour les plus jeunes, des BD plus longues pour les lecteurs plus expérimentés, et des histoires captivantes pour les plus âgés. Peu à peu, les enfants comprennent que lire est un plaisir, pas un effort. Un journal est un objet qu’on peut partager en famille, avec des jeux et des activités à faire ensemble. Contrairement aux réseaux sociaux qui sont personnalisés, un journal est généraliste et ouvre l’enfant à de nouveaux horizons. Le défi, c’est de faire savoir ça, de rappeler aux parents qu’il y a toute une offre de qualité en kiosque.

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