Par Morgane Giraudeau

Rien ne va plus dans le couple franco-allemand. Politique migratoire, budget de la France, automobile et plus récemment, désaccord face au Mercosur, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ces derniers temps, les deux leaders de l’Union Européenne ont du mal à trouver un terrain d’entente. 

« La France et l’Allemagne ne partagent pas la même vision de l’intérêt européen » déclarait Andreas Eisl, chercheur à l’institut Jacques Delors dans un article du Figaro de novembre 2024. Un euphémisme si l’on regarde les récents désaccords des deux nations. À commencer par une politique migratoire de plus en plus sévère à la frontière des deux pays. Depuis septembre dernier, Olaf Sholz a dirigé son combat contre l’immigration illégale. Ce qui devait être une mesure pour une durée de six mois (jusqu’aux élections fédérales en février 2025), pourrait s’avérer plus pérenne. Concrètement, l’Allemagne ne veut plus accepter les migrants en situation irrégulière. Pour cela, les mesures prises sont radicales : l’aide aux demandeurs d’asile a par exemple été supprimée. Une politique qui inquiète tous les pays membres qui rappellent que de tels contrôles doivent être « exceptionnels » et « proportionnés ». Gérard-François Dumont, Professeur à Sorbonne Université, président de la revue Population & Avenir, interviewé par Le Figaro le 11 septembre, rappelle cependant que « cette décision ne va pas à l’encontre des règles de libre circulation dans l’espace Schengen dans la mesure où celles-ci prévoient qu’un pays puisse être autorisé, pour une période temporaire, à fermer ses frontières. En revanche, cela contrevient à la Convention de Genève (1951) sur le droit d’asile et la Convention européenne des droits de l’homme (1950), notamment en matière de regroupement familial ». Mais la politique migratoire n’est qu’un seul des multiples désaccords entre les deux pays.

Le Mercosur, point de rupture

En novembre 2024, la Commission européenne et les pays du Mercosur (composés de   l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay, la Bolivie, le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, le Pérou et le Suriname) annonçaient avoir conclu « les négociations en vue d’un accord ». Un accord de libre-échange négocié depuis 20 ans, auquel Paris s’oppose fermement. Il prévoit notamment d’ouvrir le marché européen aux produits latino-américains. Une proposition qui fait forcément débat en France alors que la colère des agriculteurs demeure et que des menaces de blocage planent sur l’Hexagone. Emmanuel Macron avait tenté d’apaiser les tensions ces derniers mois, mais tout pourrait voler en éclat si l’accord était finalement signé. La France est donc à la recherche d’alliés pour rassembler une minorité de blocage, c’est-à-dire quatre pays membres qui représentent au total 35% de la population de l’Union Européenne. Mais beaucoup de pays rechignent à se prononcer clairement sur la question même si l’Autriche semble être de son côté, la Pologne également, pour les mêmes raisons que la France. L’Allemagne, contre toute attente, ne cesse de pousser pour signer au plus vite. Les propos du chancelier Olaf Scholz lors du sommet du G20 au Brésil traduisent son impatience, voire son exaspération : « J’ai l’impression qu’il y a une certaine pression sur ce dossier. Il faut en finir maintenant et nous serons aux côtés de l’UE lorsqu’elle présentera un accord. » 

Une position affaiblie à l’international

Côté finances, difficile d’entretenir des relations stables avec l’instabilité politique (française et allemande). Bercy devra donc patienter jusqu’à février 2025 avant de savoir avec qui il devra traiter. Difficile aussi de trouver un accord sur les tarifs automobiles. L’horloge tourne et 2035 arrive à grands pas, année qui marquera alors la fin de la production de véhicules à moteur thermique. Pour l’instant, les Chinois dominent le marché international et, encore une fois, le couple franco-allemand n’est pas d’accord. En octobre 2024, l’UE votait pour la taxation des véhicules électriques chinois. L’Allemagne était le seul pays membre à s’y opposer pour éviter « une guerre commerciale ». La France estime quant à elle que des droits de douane protégeront son industrie. Andreas Eisl estime que cette mésentente traduit un conflit bien plus profond : « La France et l’Allemagne ne partagent pas la même vision de l’intérêt européen. Les Allemands demeurent attachés au multilatéralisme, quand les Français défendent davantage d’autonomie et croient en cette notion d’Europe puissance. »

Pourtant, les deux pays vont devoir reconstruire une relation s’ils veulent faire face à la montée en puissance des leaders comme Donald Trump, récemment réélu aux États-Unis et dont l’investiture aura officiellement lieu le 20 janvier 2025. Carsten Brzeski, responsable mondial de la macroéconomie chez ING Research, souligne dans un article d’Euractiv du 27 décembre 2024 qu’ « avec l’instabilité politique qui règne actuellement en France et en Allemagne, rien ne bougera vraiment en Europe » tant que l’entente n’est pas rétablie.

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