Par Léonore Choulet
Le 7 décembre, le président sud-coréen Yoon Suk-yeol échappe de justesse à une motion de destitution. Au moment du vote, la quasi-totalité des membres de son parti quittent l’Hémicycle. Seules 195 personnes restent, or 200 sont nécessaires pour que le vote soit valide.
Le 3 décembre 2024, Yoon Suk-yeol, président de la Corée du Sud, promulgue la loi martiale. Aussitôt, l’armée encercle le Parlement, faisant barrage entre ce dernier, des élus de la République et des manifestants s’étant attroupés autour pour protester. Au cours de la même soirée, l’Assemblée nationale parvient à se réunir et à voter contre l’instauration de cette loi.
« Yoon considère les personnes contre lui comme des pro-Corée du Nord. Il est allé aussi loin que de déclarer la loi martiale, déchaînant une vague de panique au sein du peuple ! À ce stade, c’est à lui de démissionner ! », affirme une passante [DC News].
La loi martiale suspend les activités politiques à l’exception de celles du parti au pouvoir et confère à l’armée le rôle de maintien de l’ordre. Cette promulgation avortée est donc perçue comme une tentative de coup d’État et suscite la colère des Sud-Coréens qui réclament sa destitution.
« La déclaration de la loi martiale par Yoon est un acte de terrorisme ridicule contre la démocratie. Et la violence contre les législateurs est en fait une violence contre les citoyens », affirme un manifestant sud-coréen. [France 24]
Faute de quorum ou comment échapper à une destitution
Suite au tollé provoqué par cette tentative de promulgation, le parti présidentiel PPP (Parti du Pouvoir Populaire) réagit immédiatement. Le ministre de l’Intérieur présente ses excuses publiques avant de démissionner. Devant les caméras, le président Yoon a solennellement allégué : « Je m’excuse sincèrement auprès des citoyens qui ont sans doute été alarmés et perturbés par ces évènements. Je ne me souscrirai pas aux responsabilités juridiques et politiques liées à cette déclaration de loi martiale » [RTL Info].
Pourtant, quand l’Hémicycle se réunit le 7 décembre pour voter la destitution du président Yoon Suk-yeol, les responsabilités juridiques et politiques sont éclipsées. L’ouverture de la séance se fait sur un coup de théâtre : la quasi-totalité des parlementaires du PPP se lèvent et quittent la salle sous les huées des journalistes et des autres parlementaires.
« Traîtres ! » « Revenez voter ! » peut-on entendre dans la salle [France 24].
Après cet esclandre, seules 195 personnes restent dans l’Hémicycle, dont un député du PPP, rejoint par trois autres parlementaires ayant décidé de revenir. Mais, cela ne suffit pas. Le quorum de l’Assemblée nationale est de 200 votants. En dessous de ce chiffre, le vote est invalide.
« Le vote sur la destitution du président Yoon Suk-yeol n’a pas pu être établi. L’entière nation regarde la décision prise aujourd’hui à l’Assemblée Nationale. Le monde nous regarde. Il est regrettable qu’il n’y est même pas pu avoir de vote sur un problème national d’une telle importance », a déclaré le président du Parlement, en clôturant la séance [Global News].
Faute de quorum : « Un deuxième coup d’État »
Une faute de quorum survient quand n’est pas présent le nombre minimum de participants requis pour qu’un vote soit valide. Sans quorum, les décisions ne peuvent pas être considérées comme légales.
En se levant ainsi et en quittant la salle, les députés du PPP approuvent non seulement implicitement la tentative de loi martiale, mais freinent aussi la motion de destitution. Certains sud-coréens y voient un déni de démocratie.
« Peu importe la manière dont ils tentent de le justifier (…), c’est un deuxième acte de rébellion et un deuxième coup d’État, illégal et anticonstitutionnel », affirme Park Chan-dae, chef du Parti démocrate.
Interdiction de quitter le territoire
Le ministère de la Justice enquête sur le président Yoon pour « tentative de rébellion ». Bae Sang-up, un responsable des services d’immigration au ministère de la Justice, a confirmé le 8 décembre qu’il a aussi été soumis à une interdiction de quitter le territoire. Cela satisfait à peine les attentes du parti de l’opposition qui espère des conséquences plus sévères.
« Avec cela [la tentative de promulgation de loi martiale] nous n’avons pas seulement perdu la confiance des sud-coréens, mais aussi de nos alliés dans le monde, ce qui rend Yoon incapable d’exercer ses devoirs de président », a réagi Ahn Cheo Soo, législateur du parti démocrate sud-coréen.
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