Par Camille Mbaya

Lukawu Emmanuel est un Congolais de 63 ans originaire de la province du Bas-Congo située dans le sud de la République Démocratique du Congo (RDC) et vivant en France. Il nous expose son point de vue sur la situation de son pays.

Quand avez-vous quitté la RDC et pourquoi ?

J’ai quitté la RDC en 1989. Au départ, c’était pour avoir une bourse d’étude, étudier en France et vivre ici, j’avais de la famille ici aussi. Mais c’était difficile d’avoir cette bourse d’étude, je ne l’ai pas eue et donc j’ai dû trouver des formations pour ensuite travailler. C’était vraiment pas ce qu’on s’imaginait au pays la France. C’était dur, il fallait avoir ses papiers, c’était long.

Comment expliquez-vous la situation actuelle de la RDC ?

La RDC est économiquement pillée par les Occidentaux à travers des pays frontaliers qui sèment le désordre pour s’accaparer les minerais du pays. L’économie du pays est au plus bas, conséquence des interventions occidentales dans le pays.  

Qui sont les protagonistes de la guerre au Congo et pourquoi ?

La France, les Etats-Unis, la Belgique, la Chine et les pays voisins comme le Rwanda ou le Burundi sont impliqués dans la situation instable du pays et notamment à l’Est dans la province du Kivu. Ils pillent les richesses denses du Congo pour s’enrichir, sans se soucier de la population. Les Occidentaux et la Chine ont besoin de passer par des pays africains et voisins pour déstabiliser le Congo, c’est pour cela qu’ils utilisent le Rwanda.

Pour certaines personnes, l’instabilité du pays remonte à la mort de l’ancien Premier ministre et figure de l’indépendance Patrice Lumumba (1925-1961), pour d’autres à la fin du règne du dictateur zaïrois Mobutu Sese Seko (1930-1997) ? Qu’en pensez-vous?

Oui, c’est déjà à la mort de Patrice Lumumba qu’on a vu les débuts de fragilité dans le pays. Pour Mobutu, pourquoi pas, mais c’était déjà instable pendant son règne. En 1975, l’économie était déjà en train de chuter. Avant, 1€ était égal à 1 zaïre, mais après le combat de Mohammed Ali contre George Foreman où le Congo avait énormément investi, l’économie a commencé à chuter. Et déjà à l’époque de Mobutu, le Congo était sous l’emprise des Occidentaux, ils ont laissé Mobutu faire ce qu’il voulait certes, mais ce sont aussi les Etats-Unis qui l’ont enlevé du pouvoir à l’époque de Clinton. L’instabilité du Congo et l’emprise des Occidentaux sur notre pays remonte déjà.

De nombreuses campagnes de sensibilisation, des manifestations et boycotts s’organisent par la diaspora congolaise, notamment sur les réseaux sociaux. Qu’en pensez-vous ? Est-ce suffisant ?

C’est bien, mais ce n’est malheureusement pas suffisant. Il faut déjà commencer par arrêter de fournir les rebelles venant des pays voisins et financés par les Occidentaux qui tuent et terrorisent les populations de l’Est du pays. Et ça, c’est au-dessus de nous. Ces rebelles sont payés pour rendre instable le pays. Il faut continuer à faire pression, mais à notre échelle c’est très compliqué.

Comment ressentez-vous la situation de votre pays à 8h30 d’avion de Kinshasa ? Comment cela vous affecte ?

Je me sens impuissant. Ici, en Europe, on voit la réalité, on est informé par ce qui se passe au pays par quelques médias comme Mediapart, mais les médias locaux ne rapportent pas bien ou pas du tout la situation localement, ou alors ils sont cadenassés et ne peuvent pas tout divulguer. C’est dur de s’informer.

La situation économique est difficile pour nos familles. Il n’y a pas d’emplois, ou les gens ne sont pas payés pendant de longues périodes. Et puis, l’Etat pille aussi, les Occidentaux peuvent piller au Congo car on a un Etat qui est impuissant et faible face à la force occidentale. L’Etat est démuni et ne fait pas grand-chose mais en même temps profite du système et les richesses sont mal réparties dans le pays.

Que faire pour mobiliser et faire pression sur les hauts dirigeants ?

On peut le faire, il y a des groupes organisés en Europe comme « Les combattants » et d’autres opposants, mais ils se sont intimidés et même tués ici et en Belgique. Ils sont suivis et interdits de rentrer au pays, c’est vraiment compliqué. Les élections sont truquées, les Occidentaux mettent des gens au pouvoir et les enlèvent. Regardez ce qui s’est passé avec Kabila (Laurent-Désiré Kabila, ndlr.) : il avait des idées qui s’alignaient avec Patrice Lumumba, des idées marxistes, et il était nationaliste mais il a été assassiné dans des circonstances très très floues. Nous, on soupçonne aussi l’implication des Occidentaux et du Rwanda dans cet assassinat.

Pensez-vous que les médias occidentaux documentent bien le conflit au Congo ?

Non pas du tout, ici aussi ils ne disent pas la vérité et ne montrent pas la réalité. Ils ne parlent pas de l’implication des Occidentaux. Sur TF1 ils ont parlé de « guerre ethnique », il n’y a pas de guerre ethnique en RDC ! Il n’y a pas de guerre civile. Il y a un pillage des ressources naturelles par des puissances occidentales avec la complicité des pays voisins. 

Avez-vous un espoir pour la résolution du conflit un jour ? Pourquoi ?

L’espoir oui, il y aura un jour un président congolais fort qui pourra tenir tête aux Occidentaux. Ce n’est pas le cas aujourd’hui et cela permet ce genre de situation. Peut-être qu’il y aura un président occidental qui y mettra fin, on ne sait jamais. Il nous faut un président droit et net, mais je n’ai pas encore vu ça au Congo. On a un ancien président (Joseph Kabila), qui est sénateur à vie ! Où avez-vous vu ça, vous ? Mais regardez ce qui se passe au Burkina, il y a un président qui tient tête aux Occidentaux et qui veut les faire partir de son territoire, mais voilà, le président est victime de nombreuses tentatives d’attentat aussi.

On ne sait jamais ce qui va se passer, tout peut basculer. J’aurai toujours espoir pour mon pays et peut-être qu’avec les prochaines générations, la situation va bouger. C’est peut-être pas pour aujourd’hui, mais plus tard.

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