Par Charles Ride
Entre la recherche de nouvelles stars représentatives de la discipline, la difficulté à déplacer le public et à remplir les gradins, la concurrence nouvelle et le vent de fraîcheur apporté par le padel, l’avenir du tennis semble, en ce début d’année 2025, indéniablement incertain et sujet à débats.
Deux ans après la retraite de Roger Federer, c’est au tour de Rafael Nadal de mettre un terme à sa carrière professionnelle et de laisser derrière lui un immense héritage dans le monde du tennis d’une part, et du sport de haut niveau d’autre part. L’arrêt d’une icône qui reflète la fin de l’ère du Big 3, cette période d’une vingtaine d’années ayant vu le tennis masculin être dominé par Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic, dernier rescapé du trio légendaire.
Alors, comment se profile l’avenir du tennis masculin, après une année 2024 synonyme de tournant dans l’histoire de la discipline ?
Sur le papier, le tennis va bien, en témoigne son rayonnement économique en France, par exemple : début 2024, la Fédération Française de Tennis (FFT) comptait plus de 1 100 000 licenciés dans le pays. Par ailleurs, les marques et sponsors semblent toujours faire confiance au sport de raquette, le sponsoring incarnant l’une des sources principales de revenus pour la machine tennistique. Relevons également que l’édition 2024 de Roland-Garros a connu un succès économique notable, avec un chiffre d’affaires avoisinant les 338 millions d’euros selon les données de l’École Internationale de Tunon.
Une relève difficilement acceptée par le public
Cependant, tout ne semble pas rose pour le tennis à l’aube du début de la saison 2025. En effet, l’histoire récente de la discipline s’étant en partie construite sur la notoriété et la force d’attraction d’une petite poignée de joueurs et joueuses, le départ à la retraite pour certains et l’approche de la fin de carrière pour d’autres plongent les fans dans une nostalgie que les nouveaux visages de la petite balle jaune ne semblent pas consoler.
En 2024, aucun des membres du Big 3 n’a remporté de Grand Chelem, une première depuis la saison 2003. Les enfants des années 2000, qui ont grandi avec les succès des trois protagonistes, ont pu trouver un réconfort modéré avec la victoire de Novak Djokovic aux Jeux Olympiques de Paris 2024, une victoire arrachée en finale face à la jeune pépite espagnole et plus jeune n°1 mondial masculin de l’histoire de ce sport, Carlos Alcaraz.
Et justement, les jeunes espoirs ont du mal à être pleinement acceptés par le public, comme si quelque chose bloquait dans la passation de pouvoir. Carlos Alcaraz, Jannik Sinner ou encore Holger Rune ont beau être sur-talentueux, les spectateurs semblent les observer avec un sentiment de déjà-vu, sans pour autant être touchés par l’aura débordante dont faisaient l’objet Roger, Rafa et Nole. Or, le cœur du problème se trouve précisément dans la grandeur de ces trois derniers : habituer le public à l’extraordinaire laisse un goût presque amer au retour à une simple excellence d’une nouvelle génération qui a encore tout à prouver.
Un business model qui ne rend pas service aux fans
Si nous amorcions notre propos en avançant que le tennis n’était pas en mauvaise santé d’un point de vue économique, il serait pertinent d’apporter une touche de nuance à notre discours. Bien que le tennis continue d’être un sport attractif et bankable pour bon nombre de marques, les investissements ne vont en revanche pas dans le sens de l’amélioration de l’expérience utilisateur. Des gradins vidés en raison de places exclusivement réservées à des comités d’entreprises qui ne font pas le déplacement, le passage des tournois Masters 1000 au format sur douze jours (au lieu de sept) qui dénature un modèle pourtant apprécié de par sa simplicité et sa pureté, ou encore le rapprochement entre l’Association of Tennis Professionals (ATP) et les investisseurs saoudiens proposant des matchs d’exhibition avec des prize money exorbitants que les joueurs n’oseraient refuser : beaucoup s’accordent à dire que le circuit professionnel de tennis a tendance à se perdre et à s’éloigner des recettes qui ont pourtant fait son succès.
Ajoutons à cela la montée en flèche du succès du padel, un sport de raquette qui vient concurrencer le tennis et qui séduit de par sa nature divertissante et son potentiel à générer des points et des séquences frissons, ce dont le tennis manque cruellement ces derniers temps.
Quel tennis en 2025 ?
Le tennis bénéficie toujours d’une bulle protectrice que son histoire prestigieuse et légendaire incarne. Le défi principal en 2025 est de savoir comment attirer un public jeune et nouveau, ce qui induit plusieurs enjeux : celui de repérer et de capitaliser sur les stars de demain ; celui de ne pas mettre en valeur un jeu stéréotypé uniquement fondé sur la puissance de frappe ; celui d’adapter son modèle économique en fonction des attentes du public et non pour satisfaire celles des instances du haut ; enfin, celui d’accompagner la construction d’un storytelling médiatique séduisant autour de la discipline, comme le padel le fait à merveille de nos jours.
Ainsi, si la fin de l’ère du Big 3 est temporellement symptomatique d’un tennis masculin considéré comme étant « sur le déclin » et qu’elle permet de mettre en lumière les problèmes structurels qui touchent la discipline, le sport semble quand bien même détenir les armes pour faire taire les plus pessimistes. En 2002 déjà, lorsque Pete Sampras annonçait sa retraite suite à sa victoire à l’US Open, faisant du joueur américain un vainqueur en Grand Chelem pour la quatorzième fois de sa carrière, le monde criait à l’extinction du plus grand joueur de tous les temps. « Fake news » pourrions-nous dire aujourd’hui, alors que les membres du Big 3, portés par une génération dorée pour leur sport, ont su rebattre les cartes quant au débat sur le GOAT.
Alors, si la relève n’a pas été pleinement assurée par la « Next Gen » d’Alexander Zverev, Daniil Medvedev, Dominic Thiem et Stefanos Tsitsipas, rien ne dit qu’elle ne le sera pas non plus par celle d’Alcaraz, Sinner, Rune et autres Jack Draper, Lorenzo Musetti ou même, qui sait, de jeunes joueurs français comme Arthur Fils ou Giovanni Mpetshi Perricard, tous deux âgés de moins de 22 ans début 2025.
Laisser un commentaire