Par Chloé Champy
Quand les boomers ne comprennent plus la planète (ni leurs petits-enfants)
Il n’existe peut-être pas de sujet qui marque plus le vide intergénérationnel que celui de la crise climatique. D’un côté, les boomers, cette génération pour laquelle tout était permis et qui a tout connu : la Guerre Froide, l’arrivée de la télévision couleur, et l’apothéose des disques vinyles. Une époque où l’avenir brillait comme une Chevrolet flambant neuve et où les problèmes écologiques se résumaient à ramasser le journal du voisin qui avait atterri sur leur belle pelouse bien tondue. De l’autre côté, des jeunes inquiets pour leur avenir, qui, en plus de l’incertitude concernant le futur du monde du travail et l’impossibilité de devenir propriétaires d’une maison avant leurs 40 ans, essayent de mitiger les dommages causés à l’environnement par les générations précédentes. Entre eux, une incompréhension, un vide, avec les boomers qui, face aux jeunes activistes climatiques, froncent les sourcils comme devant un Rubik’s Cube.
« Pourquoi ils jettent de la sauce tomate sur des tableaux ? » demandent-ils, les yeux écarquillés, en zappant entre les chaînes d’info en continu et Un dîner presque parfait. La réponse est simple : parce que, dans un monde qui brûle (littéralement), un Van Gogh sous verre est moins urgent qu’un glacier qui fond. Mais ça, c’est un raisonnement que beaucoup de boomers refusent d’adopter, confortablement installés dans leur idéologie de croissance infinie, la même idée qui nous a menée droit dans le mur climatique. Pour la génération qui remplissait les boîtes de nuit des années 80 sur les hits Italo disco, cette croissance sans fin était plus qu’une promesse. Construire des autoroutes, ouvrir des centres commerciaux, acheter trois voitures par famille… C’était l’âge d’or de la consommation. Tout semblait possible, et surtout, rien ne semblait avoir de conséquence. L’industrie tournait à plein régime, les fumées d’usines coloraient les ciels et le plastique devenait roi. Une époque où l’on pouvait encore se baigner dans des rivières polluées, l’esprit léger.
Alors, quand les jeunes débarquent aujourd’hui avec leurs panneaux « Il n’y a pas de planète B » ou « Changeons le système, pas le climat », ça fait grincer des dents. Alors que souvent nous entendons combien les jeunes d’aujourd’hui n’ont plus les mêmes valeurs qu’autrefois (mais cela est une chansonnette que l’on entend à chaque renouvellement de génération), quand la Gen Z lance des actions extrêmes pour sensibiliser les autres sur la crise climatique, pour certains boomers ils apparaissent comme des extraterrestres incompréhensibles. Pourquoi se coller aux routes ? Pourquoi Greta Thunberg est-elle toujours si alarmiste ? Ce rejet est parfois exprimé avec une condescendance digne d’un prof exaspéré face à un élève qui refuse de conjuguer correctement le verbe croître.
« Reviens sur Terre ! », sermonnent-ils. Ce qui est ironique, parce que c’est précisément ce que les jeunes tentent de faire : sauver cette fameuse Terre. Et non, ils ne sont pas « déconnectés de la vraie vie » parce qu’ils refusent d’acheter un SUV ou de prendre l’avion pour un week-end à Barcelone. Peut-être que les vrais déconnectés sont ceux qui continuent à penser qu’on peut polluer tranquillement tout en espérant que « la technologie nous sauvera ». Spoiler alert : Elon Musk ne va pas distribuer des tickets pour Mars à tout le monde ! Au contraire, le gouvernement climato-sceptique installé par Donald Trump, où le propriétaire de Tesla et X prendra le rôle en tant que Ministre de l’efficacité gouvernementale, est bien le symbole de cette idéologie qui ne considère pas les limites planétaires, et pousse pour une exploitation sans limite des ressources naturelles avec le slogan « Drill, baby drill ». Une fois encore, la tranche d’âge qui a le moins voté pour le nouveau président est celle des 18-29 ans.
Mais si, pour une fois, on mettait de côté les incompréhensions ? Les jeunes, avec leur militantisme parfois maladroit mais sincère, ne demandent pas la lune. Ils demandent simplement un monde où l’air est respirable, où les océans ne ressemblent pas à des décharges flottantes, et où les pandas ont encore un futur. Est-ce si radical ? Oui, les jeunes participent à des actions parfois controversées, et oui, les boomers ont grandi avec une autre vision du monde. Mais face à un défi aussi gigantesque que la crise climatique, ce n’est ni une génération ni une idéologie qui sauvera la planète : c’est l’effort collectif. Les boomers, avec leur expérience, leurs ressources et leur influence, ont un rôle clé à jouer. Et les jeunes, avec leur énergie, leur créativité et leur capacité à imaginer de nouvelles solutions, apportent une dynamique indispensable. Alors pourquoi opposer ces forces ? Car au final, qu’on soit boomer ou de la Gen Z, on vit tous sur la même planète. Et c’est elle qu’il faut sauver !
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