Par Arline Piekoura

Les productions africaines peinent à se faire une place sur les plateformes de streaming, avec seulement 0,4 % des films de Netflix provenant d’Afrique, selon une étude de 2018. Malgré quelques avancées récentes, la représentation équitable des contenus africains reste un défi, face à une prédominance des films occidentaux. Les restrictions commerciales compliquent la collecte de données sur la diffusion, mais l’expérience des utilisateurs met en lumière cette invisibilisation des productions africaines.

Les productions africaines en faible croissance sur les plateformes de streaming

Les productions africaines sont faiblement représentées sur les plateformes de streaming, principalement en raison de la concentration sur le marché occidental. Ces plateformes privilégient des contenus familiers pour leur public cible, plutôt que de promouvoir des productions africaines. Les barrières économiques et logistiques limitent également la distribution des films africains, dont les coûts de production sont plus faibles que ceux des films occidentaux. De plus, le catalogue de films africains sur des services comme Netflix est limité, et les algorithmes de recommandation, basés sur les habitudes de visionnage, ne favorisent pas ces films. La disponibilité et la durée d’exposition des films africains sur ces plateformes sont aussi des facteurs limitants.

Face à la critique des utilisateurs, certaines plateformes, comme Netflix, ont réagi en ajoutant des productions africaines. Par exemple, en 2019, Netflix a lancé sa première série originale africaine, Queen Sono. En 2020, la plateforme a annoncé un investissement de 100 millions de dollars pour soutenir la création de contenu original en Afrique, en se concentrant sur les marchés anglophones comme le Nigeria et l’Afrique du Sud. Cependant, cette diffusion reste limitée à un public privilégié ayant accès à un abonnement et à une connexion Internet suffisante.

Afrique numérique : révolution du streaming et émergence des productions locales

La révolution numérique a bouleversé les usages, avec l’émergence de nouvelles plateformes de streaming locales. En août 2021, Digital TV Research annonçait 15,1 millions de souscripteurs payants à une offre de SVOD en Afrique pour 2026. Pour pallier leur manque de visibilité sur les plateformes internationales, de plus en plus de productions locales africaines se sont créées, mettant à l’honneur les films africains pour se différencier des grands groupes comme Amazon, Disney ou Netflix. Ces productions incluent des plateformes comme IrokoTV et Showmax, qui se spécialisent dans le contenu 100% africain.

Les productions indépendantes connaissent aussi une forte progression, avec des cinéastes africains créant des projets pour valoriser leur culture. Un exemple est Lion’s Den, un film nigérian réalisé avec des moyens limités, devenu populaire auprès du public africain et présenté dans plusieurs festivals internationaux. Ces projets montrent la détermination des cinéastes africains à faire connaître leur culture, malgré les défis dans un environnement dominé par les industries occidentales.

Des partenariats avec des producteurs étrangers, comme celui du film Lionheart de Genevieve Nnaji diffusé sur Netflix, permettent une plus grande visibilité des productions africaines. Canal+ Afrique se distingue également, avec une forte croissance et 856 000 nouveaux abonnés en 2021. En soutenant les cinéastes locaux, la plateforme leur permet de diffuser leurs contenus, souvent absents des autres services de streaming, contribuant ainsi à une meilleure représentation des productions africaines.

Interview avec Hilary Diby : Les obstacles à l’accès aux plateformes de streaming en Côte d’Ivoire

Hilary est une jeune étudiante ivoirienne de 24 ans, vivant à Cocody, en Côte d’Ivoire.

Arline Piekoura : Quelles sont les raisons pour lesquelles beaucoup de personnes en Côte d’Ivoire n’ont pas accès aux plateformes de streaming légales comme Netflix ?

Hilary Diby : Chez nous, en Côte d’Ivoire, de nombreuses personnes ne peuvent pas se permettre de payer un abonnement à Netflix ou à d’autres plateformes en raison des prix élevés et de la qualité instable de la connexion Internet dans certaines zones. Par manque de moyens, la plupart sont obligés de recourir à des méthodes illégales, comme le piratage, pour accéder à des films. Bien que cela soit illégal, c’est souvent le choix préféré des jeunes par rapport à l’achat d’abonnements coûteux pour voir des films.

Sur quelles plateformes regardes-tu des films et séries ?

J’utilise seulement Canal+ Afrique pour regarder des films et des séries en dehors de ceux diffusés sur les chaînes nationales. Cette plateforme est très appréciée ici en raison de ses prix abordables et de son expérience sur le marché qui est supérieure à celle de Netflix qui vient tout juste de s’installer sur le marché africain. Canal+ Afrique me permet à la fois d’accéder à une variété de films africains, qui ne sont pas disponibles sur les autres plateformes, mais aussi d’avoir accès aux autres chaînes du monde, et cela est très important pour moi car cela me permet une ouverture culturelle.

Quels sont les modes de paiement privilégiés par les abonnés de Canal+ Afrique en Côte d’Ivoire ?

En ce qui concerne le paiement, il peut se faire automatiquement par prélèvement bancaire, par Orange Money. C’est un service de transfert d’argent et de paiement mobile développé par l’opérateur de téléphonie mobile Orange qui permet aux utilisateurs de faire des transactions en ligne sans avoir besoin d’un compte bancaire. Ou directement en espèces dans une agence, car l’utilisation de la carte bancaire n’est pas très répandue. La plupart des gens que je connais utilisent Orange Money pour régler leur abonnement Canal+, c’est le moyen de paiement le plus utilisé ici.

Que penses-tu de la tendance des plateformes de streaming à invisibiliser les contenus minoritaires ?

Je pense que les plateformes devraient essayer de diversifier leur contenu et mettre en lumière les productions minoritaires comme les films indiens, africains ou encore les télénovelas sud-américaines. Cela donnerait plus de représentativité et encouragerait l’adhésion d’un public plus large. Je pense aussi que ce serait plus avantageux financièrement parlant pour eux.

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