Par Liora Mary 

Après le retour fracassant du télé-crochet Star Academy, c’est au tour de Secret Story de revenir sur les écrans français. Comment expliquer ces retours plébiscités par le public, alors que les émissions actuelles marquent le pas en termes d’audience ? La nostalgie et le recyclage sont-ils en train de toucher la téléréalité ?

Dans son ouvrage Retromania, Simon Reynolds montre que dans la pop culture, rien ne vaut le recyclage. À la télévision, c’est même une méthode éculée qui est employée, comme en attestent les sempiternels best-of des émissions passées, et le succès des innombrables variations autour de la formule des Enfants de la télé. Avec son lot de polémiques, la téléréalité a tout de même eu le mérite d’apporter, au tournant des années 2000, un souffle nouveau. Mais, vingt ans après les « ébats aquatiques » de Loana et Jean-Édouard, le genre marque le pas. La multiplication des émissions et des concepts, pas toujours heureux, semble en effet avoir eu raison de l’attention (de plus en plus limitée) d’un public sur-sollicité. Mais la téléréalité n’a pas dit son dernier mot, et elle a un argument de taille pour son retour en force.

L’environnement est pourtant morose, au regard des baisses d’audience et de l’annulation d’émissions. « Les Marseillais », « La Villa des cœurs brisés », « Les Princes et les Princesses de l’amour », « Les Anges », « 10 couples parfaits », « Secret Story » ; toutes ces émissions sont passées d’une grande popularité à un déclin important, se terminant pour certaines par une disparition prématurée. Les résultats sont catastrophiques, passant de 750 000 téléspectateurs à environ 425 000 pour les émissions les plus populaires.

Le logo de la dernière saison de « Secret Story » – TF1/Endemol
Le retour d’une recette d’antan

Il semblerait que les responsables des programmes considèrent que les vieux concepts font les meilleures audiences. Le retour de la « Star Academy » après 14 ans, avec en moyenne plus de 4,2 millions de spectateurs par prime, a confirmé la tendance à puiser ses ressources dans les émissions des années 2000. Moins d’épisodes, des jeunes participants et l’animateur emblématique Nikos Aliagas : les éléments étaient rassemblés pour créer un programme calibré et pour plaire au public. Après ce succès, TF1 compte poursuivre sur sa lancée et mise sur une autre émission emblématique : « Secret Story ».

Début novembre 2022, l’ancien présentateur Benjamin Castaldi laissait sous-entendre que « Secret Story » abandonnerait le canal hertzien pour une plateforme de streaming. Il affirmait sur le plateau de « Touche Pas à Mon Poste ! » que l’émission reviendrait sur Prime Video et qu’elle devrait durer dix semaines avec quatorze candidats. Cependant, plusieurs comptes X sont venus remettre en cause cette stratégie de diffusion ; le compte officiel du groupe Endemol (qui produit « Secret Story » et la « Star Academy ») a récemment changé son nom de @staracademy à @secret_story_fr, une annonce qui confirme l’arrivée de l’émission sur l’une des chaînes du groupe TF1. De plus, le 1er février 2023, le compte de « Secret Story » a écrit son premier message énigmatique, annonçant une arrivée proche de l’émission. Actuellement, aucune date n’a été dévoilée.

Des ingrédients téléréalité qui ne fonctionnent plus

Depuis quelques années, l’audience baisse. La routine apparaît comme la première cause du problème : mêmes émissions, mêmes candidats, mêmes histoires. En somme, pas de changement et plus de scénar. Corinne Lagaville, consommatrice de téléréalité depuis vingt ans, admet regarder de moins en moins les émissions : « C’est moins intéressant. C’est toujours le même scénario, on connaît déjà les couples et c’est généralement trop fake. En plus, les candidats aiment trop jouer sur leur bêtise et se créer un personnage ». Elle met également en avant la transformation de téléréalités qui se concentrent sur les relations en gommant le concept pur d’un programme. Pour cela, elle prend l’exemple de la célèbre émission de la chaîne NRJ12, « Les Anges » : « Initialement, c’était un programme en rapport avec un métier/un art qui visait à valoriser et donner un coup de pouce aux candidats. Au fil des années, le concept a laissé place aux embrouilles et aux clashs. Ils ont réussi à dénaturer le concept ».

Avec la place désormais centrale des réseaux sociaux, la téléréalité s’étend sur les comptes des candidats. Les histoires sont connues en avance, aucun suspense n’est entretenu. Par ailleurs, de nombreuses polémiques pour sexisme, violence ou arnaque sont régulièrement dévoilées. La polémique la plus récente est la campagne lancée par le rappeur Booba contre les « influvoleurs » et les dérives des candidats de téléréalité (promotion de faux sites, produits contrefaits, dropshipping, etc.). Autant de scandales qui fragilisent les émissions. Résultat : les téléspectateurs boycottent les programmes.

Plus de réalité et moins de télé ?

Que recherche le public ? S’identifier. Or, la téléréalité a son profil type : des jeunes aux physiques avantageux. Pour des millions de Français, il est impossible de s’identifier à ces personnalités. Ce manque d’identification peut créer des complexes, en particulier chez les téléspectateurs les plus jeunes. De plus, ces programmes excluent les personnes âgées et les personnes dites « lambda ». Ainsi, seule une petite niche continue de les regarder. « Il faudrait plus de diversité, avec des personnes plus représentatives et éventuellement trouver d’autres concepts », déclare Corinne Lagaville.

De cette manière, les temps sont durs pour certaines productions. Le 28 novembre 2022, le directeur de la chaîne W9 a annoncé la déprogrammation de l’émission « Les Marseillais », après dix ans d’antenne. Cependant, ce dernier n’exclut pas un retour dans le futur, comme il l’explique à Puremédias : « Les Marseillais ne s’arrêtent pas. Il s’agit d’une marque très forte et d’un actif formidable de W9, qui participe à son succès depuis dix ans ! Comme pour Les Princes de l’Amour, on se donne la liberté de laisser reposer l’émission, pour peut-être revenir plus tard, encore plus fort ».

La nostalgie peut-elle sauver la téléréalité ? Rien n’est moins sûr. Si la téléréalité est désormais un genre ancré dans les habitudes des téléspectateurs, son futur s’écrit peut-être loin du petit écran, sur les plateformes de VOD et les réseaux sociaux. « J’avoue ne plus accorder autant de temps à la téléréalité depuis que j’ai Netflix et Canal+ » confesse Corinne Lagaville. En somme, plus de réalité, et moins de télé.

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