Par Aubin Wurtz

Les craintes d’une Asie invivable

Un rapport Groundswell de la Banque mondiale, publié en septembre 2021, alerte sur l’impact croissant du changement climatique sur les migrations humaines. Déforestation massive, élevage intensif, utilisation de combustibles fossiles et émissions de gaz à effet de serre en sont les principales causes. Ces activités humaines provoquent une hausse des températures estimée à 0,2°C par décennie, accompagnée de records thermiques inquiétants.

Le réchauffement climatique entraîne une montée des eaux et une dégradation alarmante des océans, avec une perte significative de biodiversité marine. Les récifs coralliens, essentiels à l’équilibre des écosystèmes marins, disparaissent sous l’effet des vagues de chaleur marine. Ces bouleversements frappent durement des régions comme l’Asie, affectant la pêche et l’économie locale. Simultanément, des pénuries d’eau, des sécheresses et des crises alimentaires exacerbent les migrations de masse.

L’Asie est particulièrement vulnérable en raison de sa forte densité de population côtière, exposée aux cyclones, inondations et canicules meurtrières. En 2022, des inondations dévastatrices au Pakistan ont déplacé plus de sept millions de personnes, contraintes de survivre dans des camps de fortune, souvent dépourvus d’eau potable et de soins de base. Angelina Jolie, alors émissaire pour les réfugiés de l’ONU, avait tiré la sonnette d’alarme : « Le changement climatique n’est pas seulement sur le point d’arriver, il est déjà là. ».


Des zones de migrations qui s’étendent

Chaque année, environ 21,5 millions de personnes sont déplacées par des catastrophes climatiques, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Et ce n’est qu’un début : la Banque mondiale estime à 260 millions le nombre de déplacés climatiques d’ici 2030, un chiffre qui pourrait atteindre 1,2 milliard d’ici 2050, dont 40 millions uniquement en Asie du Sud.

Contraints de fuir leurs terres pour chercher refuge, ces migrants climatiques se retrouvent souvent dans des camps précaires, faute de moyens suffisants. Bien que des organisations comme l’ONU multiplient les efforts, l’aide reste insuffisante, et les États tardent à agir.

Les zones les plus touchées sont souvent les pays pauvres ou en développement, comme l’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne, bien que ces régions soient les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre. Cependant, l’Occident n’est pas épargné : la montée des eaux menace des villes comme Venise, tandis que la sécheresse pousse des habitants à migrer, notamment en Espagne.

L’avenir des réfugiés climatiques

Les migrations climatiques internes devraient s’intensifier d’ici 2030, et continuer à croître jusqu’en 2050. Pourtant, des solutions existent pour en limiter l’ampleur.

La réduction des émissions de CO₂ est essentielle. Le rapport Groundswell estime qu’une réduction significative pourrait diminuer jusqu’à 80 % l’ampleur des migrations climatiques internes, à condition qu’elle s’accompagne d’un développement vert, résilient et inclusif. L’accord de Paris fixe comme objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre de 43 % d’ici 2030.

Outre cette réduction, les États doivent anticiper et accompagner les migrations pour les transformer en opportunités de développement. Le Bangladesh offre un exemple prometteur en renforçant la sécurité alimentaire et en favorisant les migrations saisonnières de travailleurs pendant les périodes sèches.

Un défi majeur reste l’absence de protection juridique pour les réfugiés climatiques. La Convention de Genève de 1951, qui définit le statut de réfugié, ne prend pas en compte les déplacements causés par le climat. Aujourd’hui, pour être reconnu réfugié, il faut prouver une persécution fondée sur la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social ou les opinions politiques. Or, la plupart des déplacés climatiques migrent à l’intérieur de leurs frontières, souvent des campagnes vers les villes.

Élargir la Convention de Genève pour inclure les réfugiés climatiques serait une avancée majeure. Mais la réponse la plus efficace réside dans une solidarité climatique globale : assistance humanitaire face aux catastrophes, responsabilités internationales et lutte contre l’apatridie.

Enfin, anticiper ces migrations exige des investissements dans la recherche et les prévisions climatiques. Une meilleure compréhension des dynamiques migratoires permettra de limiter leurs impacts et d’offrir un soutien durable aux populations les plus vulnérables.

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