Benoit Cazelles

@ Benoit Cazelles – Etienne Lenoble, kinésithérapeute à l’hôpital Saint-Louis

Le projet de loi sur le financement de la sécurité sociale prévoit déjà 7 milliards d’économies dans le domaine de la santé. Etienne Lenoble, 24 ans, kinésithérapeute à l’hôpital évolue dans un secteur paramédical impacté ces restrictions budgétaires.

Black Sheep.- À quoi êtes-vous formé pendant les études de kinésithérapie ?

Etienne Lenoble.- Alors à l’époque où je l’ai fait, la première était la PACES (Première Année Commune aux Études de Santé). Ensuite, on arrive en école pour un cursus de 4 ans. En première année, on apprend des bases techniques avec de l’anatomie, de la biochimie et des premières notions de pratique et contact patient. Ensuite, en deuxième et troisième années, on entame les pathologies en lien avec notre pratique, et on les met en pratique à l’école et sur le terrain pendant les stages en milieu libéral ou à l’hôpital. La dernière année d’étude est basée sur des formations plus précises comme la pédiatrie, la réanimation, la chirurgie orthopédique, le métier de kiné du sport ou encore le travail vestibulaire avec les patients. On met également en place un mémoire sur un an en quatrième année avec un cas clinique de trois mois sur notre lieu de stage.

B.S.- Dans quels types de structures avez-vous réalisé vos stages ?

E.L.- Pendant mes études, j’ai réussi à équilibrer mes stages et j’ai pu évoluer à la fois en milieu libéral et à l’hôpital. C’est quelque chose qu’on nous conseille pendant nos études puisque l’on a beaucoup de stages à effectuer pendant les quatre années. Mon stage de première année a été annulé à cause du Covid, mais en deuxième année j’ai travaillé à l’hôpital du Vésinet dans les services d’orthopédie, de traumatologie, et de neurologie. Lors de ma troisième, j’ai découvert le libéral dans un cabinet spécialisé en maxillo-faciale. Et mon dernier stage en quatrième pour accompagner mon travail de recherche, était à l’hôpital Bichat en réanimation médicale et chirurgicale.

B.S. – Dans le domaine de la santé, on entend souvent parler du manque de moyens pour les personnels soignants, est-ce une réalité à laquelle vous avez été confronté pendant vos stages ?

E.L.- Durant les stages à l’hôpital, oui. C’est surtout du matériel manquant, de l’équipement qu’on n’a pas, et donc on travaille avec ce qu’on peut. De manière générale, les métiers paramédicaux peuvent demander du matériel aux médecins ou aux infirmières pour compléter des exercices que l’on fait avec les patients, mais souvent la demande n’aboutit pas. Quand j’ai travaillé à l’hôpital, on avait du matériel pour les patients : déambulateurs, cannes, béquilles. Mais on les obtient parce que les patients les oublient et parfois parce que des patients décèdent, donc on les garde. Ça rend nos réserves floues car, on se sert parfois de matériels vétustes. En libéral, la précarité se ressent plus sur le temps de travail, les actes et les charges financières des professionnels. Pour eux, les journées sont plus longues, certains kinésithérapeutes peuvent pratiquer de huit heures du matin à vingt et une heure trente. Sachant qu’une séance dure minimum trente minutes avec un patient, les journées sont très chargées. Lorsque que j’étais en stage en cabinet maxillo-facial, mes deux tutrices ont eu le covid en même temps, elles m’ont expliqué que la situation était très délicate car leurs absences signifiaient des patients pas pris en charge, et une perte financière alors que les charges restent à payer malgré leurs absences. 

B.S. – Depuis que vous travaillez à l’hôpital est-ce que vous voyez d’autres manifestations du manque de moyens dans les services de santé ?

E.L.- À l’hôpital, les kinésithérapeutes sont souvent tertiaires sur les demandes de formations externes. Par exemple, j’avais postulé pour une formation de type diplôme universitaire sur la déglutition des patients en rééducation qui coûtait entre 500 et 800 euros. Mais c’est compliqué, car ces sommes sont prélevées sur le budget global des formations de tous les personnels de l’hôpital. Il faut donc faire des choix et ce sont les médecins et les infirmières qui sont prioritaires, et heureusement puisque ce sont eux qui sont en première ligne à l’hôpital. Malheureusement, même les médecins rencontrent des difficultés à obtenir des financements pour leurs formations. Et donc, on se retrouve en dernier plan. Au niveau des coupes budgétaires, on se retrouve parfois dans des situations avec les patients où l’on ne sait qui va payer : est-ce que c’est l’hôpital, le patient, la famille du patient, une structure ? Dans ces situations, on bloque sur le paiement plutôt que de se demander ce qu’il faut faire pour le patient. Souvent, le budget devient une barrière pour tous les problèmes et il vient parfois avant la question du patient.

B.S. – Est-ce que selon vous cette précarité à un effet sur le turnover à l’hôpital ? 

E.L.- Pour les kinésithérapeutes, on est assez limité par rapport aux formations et le budget est réduit pour nous en termes de grille salariale par rapport à ce qu’on pourrait toucher en libéral. Mais dans ce calcul, il faut aussi prendre en compte le facteur durée de travail-bénéfice. On a des horaires arrangés à l’hôpital, par exemple pour les miens, c’est neuf heures – seize heures trente. On est loin des huit heures – 21h ou 21h30 en libéral. Il y a également une question de mobilité, à l’hôpital on travaille dans un lieu-dit. En cabinet, on peut plus facilement exercer autour de chez soi, en tout cas dans un lieu facile d’accès.

Mais il faut prendre en compte d’autres facteurs, par exemple à l’hôpital la population est assez jeune. Les plus jeunes font souvent leurs premières armes à l’hôpital car ça peut être plus facile. On est entouré d’autres professionnels qui étaient là avant nous, ils peuvent nous former, nous conseiller et, dès qu’on a pris assez en expérience, on peut choisir de rester, surtout si on fait partie des projets de service, et on peut aussi partir.

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