Par Arthur Lacour
Le 9 juin 2024, tous les citoyen·ne·s de l’Union Européenne sont appelé·e·s aux urnes pour élire leurs député·e·s européen·ne·s. Mais ces élections ont un fonctionnement bien particulier et des enjeux parfois complexes à saisir.
Le mode de scrutin
Le Parlement européen comptait jusqu’à présent 720 député·e·s mais sera composé de 720 sièges en 2024. Cette décision a été prise suite au Brexit afin de réguler le nombre de parlementaires de chaque pays. Car en effet, chaque pays de l’UE élit un nombre différent de député·e·s — cela dépend de leur population respective. Aux élections de 2024, la France enverra par exemple 81 élus, la Belgique 22 et le Luxembourg seulement six. Les eurodéputé·e·s sont élus pour un mandat de cinq ans.
Les élections européennes sont un suffrage dit « à la proportionnelle avec seuil » à un seul tour. Les électeur·rice·s votent pour des listes et non pas pour un seul candidat. Comme son nom l’indique, le scrutin à la proportionnelle consiste à donner des sièges au Parlement en fonction des voix obtenues. En toute logique, une liste qui a remporté 15% des voix aura donc plus de parlementaires qu’une liste qui a fait 8%.

Source : Pexel
Mais pourquoi parle-t-on de « seuil » ? Le seuil électoral est un pourcentage prédéfini pour qu’une liste puisse avoir des députés. Aux élections européennes, celui-ci est fixé à 5% — donc par conséquent, une liste qui a remporté 4% des voix de son pays n’aura aucun élu. Il ne faut pas confondre le seuil électoral avec le seuil de remboursement des frais de campagne. Ce dernier est ici fixé à 3%.
Le rôle des parlementaires
Contrairement aux mandats de conseiller régional ou municipal, le mandat européen demande un travail à temps plein. En un mois, l’élu·e doit assister aux plénières à Strasbourg pendant une semaine, passer quinze jours à Bruxelles pour le travail des groupes et des commissions et se rendre dans sa circonscription.
Le Parlement européen a trois principales compétences. La première concerne la législation. Comme à l’Assemblée Nationale en France, les parlementaires européens proposent, amendent et votent des textes de lois. La seconde est budgétaire. Le Parlement européen valide le budget annuel de l’UE. Enfin, la compétence de contrôle sert à surveiller les institutions des pays membres. Elle permet de vérifier si la législation européenne est bien appliquée et si le budget de l’Europe est utilisé à bon escient.
Parallèlement aux sessions plénières, chaque eurodéputé·e est présent·e dans une commission thématique. Ces groupes de travail sont les premiers à analyser les propositions de lois. Par exemple, c’est tout d’abord la commission de la Santé Publique qui travaille sur les textes en rapport aux politiques sanitaires.

Source : Pexel
Pourquoi faut-il voter aux élections européennes ?
La pandémie du Covid-19 et la guerre en Ukraine ont récemment démontré toute la puissance des institutions de l’Europe dans les politiques internationales et intra-européennes. À la suite de ces événements, l’intérêt des européen·ne·s pour ce scrutin a considérablement augmenté. Selon un baromètre publié par le Parlement en juin 2023, 56% des citoyens de l’UE disent s’intéresser aux élections — ils étaient 50% en 2018.
Pour mieux comprendre l’importance du positionnement politique de l’hémicycle et par conséquent celle des élections, prenons le cas du conflit israélo-palestinien. Aujourd’hui, le Parlement, classé à droite, s’est prononcé en faveur de l’éradication du Hamas et de la libération des otages israéliens et a refusé le cessez-le-feu humanitaire proposé par la gauche. Ainsi, les pays membres ne pourront pas agir individuellement dans le conflit. Par exemple, le gouvernement socialiste espagnol qui est en désaccord avec certains points votés par le Parlement n’aura aucun pouvoir pour exiger seul le cessez-le-feu.
Les futures élections européennes pourront changer radicalement le positionnement de l’UE sur les événements et drames actuels, car l’orientation politique du Parlement joue un rôle central dans la prise de décisions. Mais malheureusement, malgré l’enjeu important du scrutin européen, le taux d’abstention de celui-ci a dépassé les 50% lors des quatre dernières élections en France. Pour le suffrage de 2024, l’institut de sondage Ipsos prévoit un taux d’abstention de 50,1% (donnée de juillet 2023), marquant une forte baisse par rapport aux 57,6% de 2019.
Les groupes politiques au Parlement européen
Au Parlement, il faut différencier les groupes parlementaires des partis politiques tels qu’on les connaît. En effet, chaque pays européen possède ses propres partis et il est impossible qu’un seul d’entre eux crée un groupe à lui seul. Ainsi, les parlementaires d’une même organisation partisane doivent faire des alliances pour siéger dans un groupe.

Source : Gzen92 via Wikimedia Commons
Généralement, sept groupes se forment au sein de l’hémicycle.
- Le Groupe du Parti populaire européen : c’est le groupe libéral-conservateur, placé à droite de l’échiquier politique. Il est présidé par l’allemand Manfred Weber. Ce groupe ne remet pas en cause le fonctionnement européen. Actuellement, il s’agit du groupe qui possède le plus d’eurodéputé·e·s avec 25% des sièges, ce qui lui permet d’obtenir la présidence du Parlement occupée par l’élue maltaise Roberta Metsola.
- L’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen : comme son nom l’indique, il s’agit du groupe socialiste de centre gauche. Depuis 2019, il est présidé par la sociale-démocrate et pro-européenne espagnole Iratxe Garcia et représente 21% de l’hémicycle.
- Renew Europe : avec à sa tête le français Stéphane Séjourné, Renew Europe rassemble tous les libéraux et les centristes d’Europe. Aujourd’hui, il occupe 15% de l’hémicycle européen.
- Le groupe des Verts / Alliance libre européenne : il s’agit des écologistes. L’allemande Ska Keller et le belge Philippe Lamberts occupent la présidence de ce groupe qui possède 10% des sièges. Ce sont des élu·e·s centristes ou de centre gauche, contrairement à certains verts français qui revendiquent leur appartenance à la gauche.
- Identité et démocratie : il s’agit du groupe d’extrême droite du Parlement. Nationaliste, et eurosceptique, ce groupe a 9% des élu·e·s. Marco Zanni, eurodéputé italien, en est le chef de file.
- Les conservateurs et réformistes européens : regroupant la droite dure et une partie de l’extrême droite, ce groupe est très critique des institutions européennes. Il est présidé par l’Italien Raffaele Fitto et le polonais Ryszard Legutko et possède 9% des sièges.
- Le Groupe de la Gauche au Parlement européen : ce groupe est composé d’élu·e·s de gauche et de gauche radicale. Il s’agit du plus petit groupe parlementaire, car il occupe 6% du Parlement. Sont à sa tête l’élue française Manon Aubry et l’allemand Martin Schirdewan.
Les 5% restants des sièges sont occupés par des eurodéputé·e·s non-inscrits dans un groupe. Ces parlementaires ne se retrouvent dans aucune pensée politique présente dans l’hémicycle ou n’ont pas assez d’élu·e·s pour former un groupe — pour former un groupe, il faut 25 député·e·s d’au moins sept pays différents.
Les partis politiques français au Parlement européen
Les électeur·rice·s votent pour une organisation politique de leur pays, et non pour un groupe européen. Les élections européennes de 2019 ont permis d’envoyer six partis politiques français au Parlement.
- Le Rassemblement national (RN) : l’extrême droite française a envoyé 22 eurodéputé·e·s au Parlement européen grâce à 23% des voix. Il s’agit du parti français le plus représenté au sein de cette instance. Pour le RN, l’Union Européenne est trop laxiste sur la question migratoire. C’est pour cela que ces élections forment un grand enjeu pour le parti de Marine Le Pen qui souhaite renforcer les frontières européennes. Les députés RN siègent dans le groupe « Identité et démocratie ».
- Renaissance : Le parti d’Emmanuel Macron n’a pas réussi à battre le RN en 2019. Avec 22% des suffrages, il a réussi à obtenir 21 sièges. Renaissance défend une Europe libérale avec leurs alliés du groupe « Renew Europe ».
- Europe Ecologie – Les Verts (EELV) : Les écologistes ont créé la surprise en gagnant onze député·e·s avec leurs 13% des suffrages. Les élections européennes sont pour eux le scrutin qui leur est le plus favorable. Ils sont pro-européen·es et ne remettent pas en cause les traités. Ils font partie du groupe « Les Verts – Alliance libre européenne ».
- Les Républicains (LR) : Avec 8,5% et huit député·e·s, Les Républicains ont connu leur plus petit score électoral aux élections européennes en 2019. Ils sont dans l’alliance du Parti populaire européen.
- La France insoumise (LFI) : Les six eurodéputé·e·s de LFI siègent dans le Groupe de la gauche. Il s’oppose fermement aux traités européens actuels qu’il accuse d’alimenter le dumping social et fiscal.
- Le Parti socialiste (PS) : Pro-européens, les six député·e·s du PS sont allié·e·s avec tous les autres membres des partis socialistes européens dans le groupe « Alliance progressiste ».
Les élections de juin 2024 pourraient bien redéfinir les tendances françaises au sein de l’UE. Reconquête, le parti d’Éric Zemmour qui veut faire de ces élections un « référendum sur l’immigration », compte bien imposer ses sujets pour remporter quelques sièges. Il se peut aussi que la confiance grandissante des Français envers Marine Le Pen se traduise par un résultat historiquement haut pour le RN. À gauche, puisque les partis ne parviennent pas à s’unir, les voix de leur électorat seront une nouvelle fois divisées — ce qui pourrait empêcher des partis d’atteindre le seuil des 5%. Concernant le parti d’Emmanuel Macron, la crise sociale suite à la réforme des retraites pourrait lui faire perdre un certain nombre d’élu·e·s.
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