Par Léa Evrard

L’artiste japonaise, mondialement connue pour ses installations immersives, invite le spectateur à explorer le lien entre le corps et l’âme avec sa nouvelle exposition The Soul Trembles (Les Frémissements de l’Âme). Portrait d’une artiste à découvrir au Grand Palais à Paris.

 Léa Evrard – Uncertain Journey

Derrière une personnalité discrète, Chiharu Shiota déploie une force créative qui a bouleversé les codes de l’art contemporain. À 52 ans, la Japonaise est en effet une artiste de renom international : de Tokyo à Milan, en passant par Prague, plus de 300 expositions ont jalonné sa carrière. Désormais, c’est au tour de Paris de recevoir son exposition itinérante The Soul Trembles, constituant sa première monographie en France. 

Née en 1972 dans la préfecture d’Osaka, elle grandit dans la solitude et trouve très tôt refuge dans l’art. Ce sont ses années d’études à l’Université des beaux-arts de Kyoto Seika qui marquent un tournant décisif dans son processus créatif. Là-bas, les codes traditionnels et stricts de la peinture et du dessin l’étouffent : « J’avais l’impression que tout ce que je créais avait été fait. Il n’y avait pas d’émotion, c’était juste de la couleur sur une toile » confie-t-elle lors d’une interview pour Le Grand Palais. C’est alors qu’elle découvre le fil de laine. Un matériau simple, étirable à l’infini, dont elle s’empare telle une tisseuse pour créer une nouvelle forme de dessin et s’extraire des limites de la toile. 

Dès 1999, elle quitte son Japon natal pour vivre en Allemagne. Elle se forme aux côtés de Marina Abramović et Rebecca Horn, deux grandes figures de l’art contemporain utilisant la performance comme forme d’expression. C’est à leur contact, qu’elle va mettre en scène son corps, à la fois comme médium et sujet, pour explorer des thèmes universels comme la mémoire, la connexion et l’existence. Toutefois, lorsque son cancer des ovaires, vaincu en 2005, récidive en 2017, la vulnérabilité de son propre corps s’impose brutalement à elle. Entre traitements éprouvants et interventions chirurgicales, une question la hante : « Mon âme est avec mon corps. Si mon corps disparaît, mon âme disparaît-elle avec lui ? Combien de temps peut-elle rester près du cœur ?  » peut-on lire sur les murs de l’exposition. C’est cette sensation de rupture entre son âme et son corps, et l’incertitude qui est à l’origine de l’exposition The Soul Trembles. 

Ainsi, c’est à travers sept installations étendues sur plus de 1200 mètres carrés, dominées par des fils entrecroisés dans des tons monochromes – rouge, noir et blanc –, que l’artiste invite le public à contempler ce qui dépasse le visible. Par des réseaux de fils emprisonnant une multitude d’objets ordinaires – valises, barques, pianos, chaises, chaussures, clés –, elle les transforme en témoins silencieux de l’absence de ceux qui les ont utilisés. Suspendus entre passé et présent, ces objets deviennent alors des symboles poignants de la fragilité de l’existence et de la résilience de l’âme. La densité de ces œuvres, qui engloutit le regard, pousse le spectateur à regarder au-delà des apparences : lorsque l’œil ne voit plus, c’est le cœur qui commence à percevoir. Agrémentées de sculptures, de dessins, de photographies et de vidéos de performance, l’âme de Shiota semble flotter dans cet univers suspendu.
Son passage au Grand Palais marque donc incontestablement une étape clé de sa carrière. The Soul Trembles s’impose comme une expérience réflexive sur ce qui nous unit, ce qui nous fragilise et ce qui nous rend profondément humains. Un moment de contemplation à ne pas manquer, du 11 décembre 2024 au 19 mars 2025.

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