Par Mathieu Mbuaki

Un épiphénomène touche une grande partie de la jeunesse française : le gaz hilarant. Cette composition issue du protoxyde d’azote fait sensation auprès des 18-30 ans. Nous allons tenter d’en savoir plus sur ce fléau à travers ce reportage. 

Vendredi 20 décembre 2024, 21h00 sur l’avenue des Dahlias à Gagny. David, 26 ans, Amine 27 ans et Steeve, 28 ans sont installés dans un parc situé près d’une colline dans ce quartier populaire de la ville. Pas d’alcool avec eux, ni de cigarette et pas de drogue non plus. En revanche, en leur possession, ballons de baudruche et bonbonnes de protoxyde d’azote. C’est la nouvelle tendance chez les jeunes depuis quelques années maintenant et l’effet donné par ce gaz procure un sentiment euphorique, quelques fois de manière assez excessive. En effet, l’inhalation du protoxyde contenu dans les cartouches produit très rapidement une euphorie, une distorsion des perceptions qui peut se traduire par une augmentation de la perception auditive, des fous rires et un effet second. En fait, c’est l’état de conscience qui est altéré avec une confusion et des hallucinations. Mais ce sentiment-là, ces jeunes ne le ressentent plus et leurs témoignages le confirment. « Moi ça ne me fait pas grand-chose, j’ai la sensation que le temps se fige un court moment, puis l’effet s’évanouit presque immédiatement. Du coup pour retrouver cette sensation-là, j’en prends plusieurs d’affilée. À moi seul, je peux finir deux à trois bonbonnes », confie David. De son côté, Amine a un ressenti assez similaire « Les ballons, j’en prenais quand j’avais envie de rigoler et délirer, aujourd’hui ça ne me fait plus rien mais j’en consomme tous les jours parce que je suis habitué. »

Pour ces jeunes, la consommation de ballons est totalement banalisée, elle ne leur fait absolument rien. Pourtant, autour d’eux, de nombreux exemples de drames causés par cette consommation existent : « on a un ami qui a fait un très gros accident après avoir heurté la chaussée, il était au volant d’une loc avec une bonbonne sous le siège et les mains sur le volant et le ballon », nous signale Steeve. Le terme « loc » est utilisé pour parler d’une location de voiture et à travers l’exemple qu’il a cité, Steeve évoque un autre fléau causé par la montée en flèche : la consommation de ballon au volant. En effet, entre 2022 et 2024, plusieurs accidents de la route ont été déplorés à la suite de consommation excessive de ballons et de bonbonnes de protoxyde d’azote. 

« L’effet d’ivresse n’existe quasiment plus »

Marie, 30 ans est aide-soignante à l’hôpital André Grégoire à Montreuil et elle  fait un constat assez froid et peu optimiste pour la suite concernant cette consommation : « De plus en plus de jeunes sont admis au service d’urgence ou de réanimation à cause de la consommation de ces ballons, et malheureusement je pense que cela ne cessera pas d’aussitôt ». Les conséquences sur le corps sont légion telles que la perte de contrôle de ses membres, la perte de motricité, perte de mémoire, et diverses conséquences neurologiques et physiques entre autres.  « Beaucoup de jeunes sont devenus addict à cette drogue sans pour autant y ressentir encore une sensation forte, l’effet d’ivresse n’existe plus », ajoute Marie. Cependant, les hôpitaux, cliniques et autres centres de recherches n’ont toujours pas le recul nécessaire pour savoir si les séquelles causées par la consommation de ballons sont irréversibles ou non, seule une cure basée sur les vitamines et la rééducation intensive sont considérés comme des pistes de rétablissement adaptées pour lutter contre la toxicité des bonbonnes de protoxyde d’azote. 

« Les bonbonnes on les trouve partout, c’est facile de s’en procurer »

Que ce soit en région parisienne mais également dans le reste de l’hexagone, les bonbonnes et ballons sont facilement accessibles et les réseaux sociaux y sont pour beaucoup dans cette prolifération. « Les bonbonnes on les trouve partout ! Sur snap, chez un pote ou même dans certaines épiceries, c’est facile de s’en procurer », explique Amine avant de souffler dans son ballon de baudruche. « En vrai c’est le plan parfait, c’est facilement accessible et surtout ce n’est pas cher, pour 25 euros tu as ta bonbonne » ajoute-t-il. « Pour moi, c’est simple. Pas de ballons, pas de soirée ! » conclut Steeve. Force est de constater que mis à part l’accessibilité, les prix assez bas des bonbonnes de protoxyde d’azote en font un produit particulièrement attractif pour les jeunes notamment pour les 18-25 ans. 

Le réseau social Snapchat est d’ailleurs celui qui fait le plus la promotion de ce produit avec des comptes qui affluent sur la toile. Drive Ballon, Allo Bro, Ballon City etc. Ces comptes Snapchat rendent vraiment la vente et surtout la consommation de ballon assez facile. Nul doute que ce type de comptes va continuer à pulluler vu la consommation excessive de ballons. 

Comment sensibiliser les jeunes aux risques ? 

Pour réussir à sensibiliser les jeunes, la première chose est de les faire constater les risques et surtout les conséquences de cette consommation du protoxyde d’azote. Des visites d’étudiants dans les établissements hospitaliers ayant admis des cas liés à la consommation de ballon pourraient freiner l’engouement autour de ce phénomène.  Une loi a été votée en 2021, elle vise notamment à « prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote », cependant deux ans et demi plus tard force est de constater que cette loi n’a pas eu l’effet escompté. Au contraire, elle a même poussé à la prolifération de comptes visant à mettre à disposition ces produits contre la modique somme de 25 ou 40 euros en fonction du format demandé.  Pour les trois gabiniens, nul ne sert d’être alarmiste car ils « n’en consommeront pas toute leur vie » et ils ajoutent même que « c’est juste passager, histoire de passer le temps ». Amine finit par conclure par cette phrase symptomatique d’un problème assez profond « C’est vrai que les ballons c’est peut-être un peu dangereux mais vaut mieux qu’on consomme ça que de la drogue ou des cigarettes ». Est-ce vraiment moins grave ? Difficile d’y répondre. Une chose est sûre, la consommation de protoxyde d’azote ne s’arrêtera pas en si bon chemin.

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