Par Mathieu Mbuaki

De nombreux changements ont été recensés à la suite de la digitalisation de l’information footballistique. L’accessibilité au traitement de l’information de ce sport en est même démocratisée, si bien que ce ne sont plus uniquement les journalistes qui rédigent des articles, réalisent des enquêtes sur les joueurs, ou évaluent les performances.

L’essor du journalisme 2.0 dans le football

Depuis 2020, on assiste à l’avènement d’un journalisme 2.0 ne nécessitant pas une déontologie stricte comme c’était auparavant le cas pour les médias traditionnels. Des chroniqueurs indépendants traitent également de l’information footballistique de façon singulière. Ces nouveaux protagonistes de la sphère médiatique footballistique apparaissent désormais dans le paysage du traitement de l’information du football français. 

C’est le cas de Walid Acherchour et Elton Mokolo, deux chroniqueurs qui ont la particularité de relater leur vision du football sur Internet. Ils font figure d’ovni pour les journalistes dits « classiques »

Walid crée sa chaine YouTube « Le Club des 5 » en 2018 avec quelques amis. Pourquoi un tel nom ? Ils traitent de l’information des cinq championnats européens principaux (France, Angleterre, Espagne, Italie et Allemagne). Contrairement aux médias populaires qui traitent principalement les grandes rencontres, Walid et ses amis débattent même sur les celles d’équipes ne possédant pas une grande cote de popularité auprès du public. Ils se spécialisent à l’extrême et ce détail marquera leur identité médiatique.

Cet atout différenciateur leur a permis de développer une communauté sur Twitter, où ils sont suivis par près de 30 000 internautes chacun. La simplicité qu’ils présentent, ainsi que le vocabulaire employé entraîne naturellement des adhésions en masse de la part de jeunes en quête de proximité dans les échanges. Elton Mokolo raconte dans un entretien accordé au site Toile de footeux qu’il a opté pour le traitement de l’information footballistique dans le digital au vu de la liberté qu’elle lui confère, lui qui était prédestiné à réaliser de la presse écrite. Le fait de pouvoir dévier de la structure initiale du débat en toute quiétude en évoquant les coulisses de certains clubs est un atout que seul le digital permet. 

Mais à côté de cela, tout n’est pas rose et les prises de positions qu’ils prennent lors des débats peuvent susciter de l’agacement, voire du mépris de la part des internautes. 

Les deux chroniqueurs confient, dans un entretien accordé au journal l’Équipe en 2021, qu’ils font parfois face à des messages d’une rare violence qui ne les laisse pas de marbre. Outre la capacité qu’Elton et Walid ont à débattre sur un volume de matchs plus importants que ceux des médias comme BeIn Sport, l’Équipe ou RMC Sport, ils n’hésitent pas à mettre en avant leurs traits de caractères de façon très spontanée. Walid précise qu’il parle fort, qu’il fait des grands gestes, et qu’il est très « cash » dans ses propos. Forcément, cela plaît aux jeunes et un rapport de proximité se crée naturellement. C’est cette spontanéité et cette liberté qui conforte Walid dans son choix de ne pas s’orienter vers la télévision malgré la sollicitation de plusieurs chaînes de télévision. « Je ne suis pas sûr d’être fait pour la télé… J’étais par exemple un grand fan du CFC (Canal Football Club) mais aujourd’hui, je n’y ai pas ma place. Venir avec mon beau costume et mon sourire pour parler trente secondes sur un résumé de match, ce n’est pas mon ADN. J’ai besoin d’aller dans la profondeur, d’avoir un peu de combat, de débattre en longueur. Puis on a trouvé une économie sur le digital. On est payé à la pige mais on vit très bien, on est des privilégiés » ajoute le jeune chroniqueur.

 

Le numérique un levier d’accessibilité et de liberté d’expression

Le digital a donc permis que des passionnés puissent créer leurs propres médias, leurs propres communautés et faire partie du paysage médiatique du football français. 

C’est le cas de Romain Molina, journaliste indépendant. Il s’est fait connaître par le grand public grâce à ses enquêtes sur des scandales liés au football, via YouTube et Twitter, ainsi que ses livres qui évoquent des sujets dont on parle peu lorsqu’on évoque le football. Il a notamment révélé l’ambiance toxique au sein de la Fédération Française de Football avec des informations très choquantes, comme des cas de harcèlements sexuels qui auraient lieu depuis plusieurs années au sein de celle-ci. L’ensemble de ses révélations bénéficient d’une certaine crédibilité étant donné la véracité de toutes les enquêtes qu’il a menées par le passé et pour lesquelles la finalité était celle dressée. 

La ligne éditoriale de Romain Molina est claire et sa stratégie de communication l’est tout autant. Il ne diffuse pas l’information liée à des matchs de football ou de performances de clubs ou de footballeurs. Romain Molina traite uniquement de l’information liée à des scandales, que ce soit dans le football français ou le football international. Dans ses vidéos, ils racontent des histoires en fonction d’une thématique choisie et il en fait des révélations en étant très précis dans les détails et les propos. Tout ce qui peut paraître tabou pour tout autre média, lui l’évoque et en parle aussi bien dans ses vidéos YouTube que sur Twitter

Cela ne lui fera pas que des amis car il se dit être en danger du fait des informations qu’il révèle. Dernièrement, son nom est apparu dans une enquête concernant Kheira Hamraoui, footballeuse au Paris Saint-Germain qui s’est faite agresser en 2022 par des personnes lui ayant tendu un guet-apens dans une supposée histoire d’adultère. 

Finalement, Romain Molina est une personnalité très controversée. Il est considéré comme un journaliste à part entière par l’opinion publique, cependant il ne respecte pas forcément la déontologie journalistique lorsqu’il fait ses révélations. En effet, il ne cite jamais ses sources : à la fois pour les protéger et se protéger lui-même. Mais cela suscite un certain doute chez l’internaute, notamment lorsque des journalistes issus de médias traditionnels tentent de le discréditer. 

Il se défend régulièrement lorsque des internautes émettent un doute sur la véracité de ses informations en affirmant que tous les journalistes du milieu footballistique français détiennent les mêmes informations que lui mais ne souhaitent guère les diffuser. Le danger se situe à ce niveau-là. Si une personne dotée d’une certaine crédibilité à ce mode de fonctionnement assez brute, qu’en est-il d’un internaute quelconque ? 

C’est là où se situent les limites et les dangers de la digitalisation du traitement numérique de l’information footballistique, l’accessibilité et la liberté de diffusion d’informations est grandement favorisée avec l’avancée du numérique. Chaque internaute peut, à sa guise, diffuser des spéculations ou avancer des propos sans fondement sur base de sa volonté personnelle. Bien sûr, il s’expose à des poursuites judiciaires car la diffamation est passible de très lourdes sanctions, mais cela ne freine pas les internautes voulant s’improviser journalistes indépendants. Twitter est d’ailleurs le réseau social où ce type d’internautes sont le plus enclins à apparaître au vu du format de la plateforme. La possibilité de garder l’anonymat est perçue comme un élément favorisant la recrudescence de la propagation des « fake news » et autres témoignages factices.

Cependant, les internautes indépendants qui se lancent dans un « journalisme 2.0 » se heurtent toujours à la nécessité de prouver leur crédibilité. Le football, un domaine où l’information évolue en un clin d’œil, complique davantage les choses à l’heure où les médias numériques indépendants gagnent en popularité.

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