Par Anna Mayer

Peux-tu nous présenter ton parcours et ce qui t’a inspiré à travailler dans l’industrie de la mode ?

Je pense que l’envie de faire de la mode est arrivée assez tôt chez moi. Petite, ma grand-mère m’a appris des techniques de couture comme le patchwork ou la création de peluches. J’ai toujours aimé créer des costumes, me déguiser. Enfant, j’avais des goûts extravagants et décalés, j’aimais porter des vêtements qui n’avaient aucun rapport avec les situations (rires). J’ai un peu perdu cela à l’adolescence, avec la pression sociale du collège puis du lycée. À ce moment-là, est apparue une fascination pour le monde des stars, leurs tenues et tout ce qui touche au bling bling, ce qui m’a, mine de rien, sensibilisée et a perpétué un grand intérêt pour l’univers de la mode.

Pour ce qui est de mon parcours dans cette industrie, j’ai commencé par apprendre à composer avec des matières techniques et souples, adaptées aux sportifs au cours d’un stage avec une costumière dans le milieu du cirque contemporain, puis chez une compagnie franco-coréenne réalisant des vêtements destinés au ballet. J’ai ensuite eu une courte expérience à l’Atelier Montex chez Chanel où l’on m’a sensibilisé à l’art de la broderie.

J’y ai découvert des savoir-faire d’exception et des pratiques d’artisanat qui sont aujourd’hui rares et très précieuses. Enfin, depuis deux ans, je travaille chez Jacquemus en tant qu’assistante dans les ateliers avec les modélistes et couturiers. La part créative y est moins présente, il s’agit plus de missions de management et de coordination.

« Les premiers pas pour que l’industrie de la mode soit plus responsable, seraient de produire de manière moins compulsive, de supprimer les cycles de saison qu’on trouve de façon systématique dans le prêt-à-porter, et de s’émanciper des tendances. »

Comment définirais-tu le concept de mode éthique et responsable ? 

C’est un concept assez difficile à définir, car pour moi, la mode est aux antipodes de l’éthique. L’industrie du vêtement repose sur des trends et des tendances qui changent en permanence. C’est un système ultra capitaliste et consumériste, mais je pense qu’il pourrait exister autrement. Le premier pas pour que cette industrie soit plus responsable, serait de produire de manière moins compulsive, de supprimer les cycles de saison qu’on trouve de façon systématique dans le prêt-à-porter, et de s’émanciper des tendances. Néanmoins, c’est évidemment compliqué et paradoxal parce que le changement est l’une des caractéristiques principales de la mode..

Couturière au travail | Pexels

Pour toi, quelles sont les actions à mettre en place dans l’industrie de la mode pour réduire son impact environnemental et social ?

Pour commencer, un critère majeur réside dans le choix de la localisation des ateliers de production et des points de vente d’une marque. Ces derniers doivent se situer au plus près de ses locaux. Il faut arrêter à tout prix de s’étendre et d’envoyer les vêtements aux quatre coins du monde. À mon sens, il faut également réduire considérablement la vente en ligne.

Une des actions à favoriser au maximum, mise en place par certaines maisons mais encore très rare, est la mise en place de deadstocks, c’est-à-dire la réutilisation de tissus préexistants des anciennes collections et des anciennes usines. Il faut également prioriser le « sur commande », consistant à produire la quantité de vêtements par rapport à une demande immédiate et non pas une estimation de la demande.

Je vais prendre l’exemple de petites marques, comme Maison Cléo qui travaille uniquement avec de la récupération de rouleaux de tissus de marques de luxe. Ils ne composent qu’avec la quantité qu’ils ont à leur disposition et pas plus. Ce qui permet d’éviter les pertes. Les quantités de production y sont plus réalistes et raisonnables. Il y a déjà tellement de tissus sur la planète que ça ne sert à rien d’en reproduire. Il faut exprimer sa créativité et réinventer le vêtement.

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